23° Dimanche du TO*B Mc 7, 31-37

Dites aux gens qui s'affolent : « Soyez forts, ne craignez pas.
Voici votre Dieu : c'est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu.

Vengeance et revanche ! qui n'en a rêvé après avoir été victime d'une vacherie, d'une trahison ! Une vengeance en bonne et due forme : qu'il soit payé au centuple ! Tu m'as crevé un œil, je t'en crèverai deux et ainsi de suite… la violence succède à la violence en un cycle infernal ! Soyons honnêtes avec nous-mêmes : quelles sont nos premières réactions quand nous voyons des reportages sur des actes de violence à la télé : ah les salauds, bien fait leur poire, il ne l'emportera pas en paradis, etc. Heureusement, il y a aussi des exceptions : quand une mère est maltraitée par son enfant, elle ne sait se venger qu'en l'aimant davantage.

C'est précisément ce que nous dit aujourd'hui le prophète Isaïe dans un texte qui nous est lu aussi au temps de l'Avent : « Voici la vengeance de Dieu : il vient lui-même et va vous sauver ! Alors les yeux des aveugles se dessilleront, et les oreilles des sourds s'ouvriront, etc. »

Ne nous leurrons pas : l'histoire de notre humanité, notre histoire, est une histoire de violence où le moindre geste d'amour fait figure de miracle ! Et quel étonnement, pour ne pas dire quel scandale, quand nous lisons la Bible pour la première fois : une folle histoire de sexe et de sang ! La tentation était grande pour les hébreux d'imaginer leur Dieu avec des sentiments semblables aux leurs, comme nous le voyons dans les récits de la mythologie grecque. Les dieux de l'Olympe sont invités par les hommes à partager et à soutenir leurs folies de débauche et de violence.

Or, voici qu'au milieu de tout ce vacarme un cri s'élève : « Je suis Dieu, moi, et non pas homme ! » Par la voix des prophètes, Dieu se révèle peu à peu comme le Miséricordieux, qui ne garde pas rancune, qui libère Israël quand celui-ci s'est fourvoyé. Un Dieu qui ne se réjouit pas de la mort du pécheur mais qui n'a qu'une parole aux lèvres : « je veux que tu vives, choisis donc la vie ! »

Il y a dans la Bible un tout petit livre qui amuse beaucoup les enfants, Jonas, l'ancêtre de Pinocchio, dans le ventre de la baleine. Or Jonas, ce patron des râleurs, se met en colère contre Dieu quand il découvre que Dieu n'est pas comme il se l'imaginait et, quand Dieu fait miséricorde aux gens de Ninive au lieu de les châtier en faisant tomber le feu du ciel ! Jonas espérait voir un beau spectacle d'apocalypse et, pour finir, c'est Jonas qui, par dépit, veut mourir ! « Mes pensées ne sont pas vos pensées » dit Dieu à Jonas et à nous-mêmes.

Comme Jonas, nous avons du mal à nous défaire de nos représentations de Dieu, ce dieu à notre image, ce dieu qui nous ressemble tant.  Dieu nous invite à nous découvrir et nous recevoir comme image de Dieu et nous laisser peu à peu transformer dans nos jugements et nos actions, à la ressemblance de Jésus.

Dieu se venge de notre non-amour non pas en nous jugeant mais en nous aimant davantage encore en nous donnant sa vie. C'est « l'admirable échange » opéré par Jésus. Folie d'amour qui nous libère de nous-mêmes.

Arrêtons de mettre Dieu dans des petites boîtes bien rangées et classées qui finissent par sentir le ranci comme le note Charles Péguy. Le Dieu de Jésus, le Dieu d'amour est au-delà de tout ce que nous pouvons connaître ou imaginer et c'est en cela qu'il nous rend profondément libres. Il veut nous entraîner dans sa justice qui nous justifie gracieusement ! « Venez manger et boire sans argent, sans payer » nous dit la Sagesse de Dieu.

C'est ce que dit magnifiquement une prière attribuée à saint François Xavier :

« Mon Dieu, je vous aime !

Ce n'est pas pour le ciel que je vous aime

ni parce que ceux qui ne vous aiment pas, vous les punissez du feu éternel.

A la croix, mon Jésus, vous m'avez pressé sur votre cœur.

Vous avez enduré les clous, le coup de lance, le comble de la honte, les douleurs sans nombre, la sueur et l'angoisse, la mort ...

Tout cela pour moi, à ma place, pour mes péchés.

Alors, ô Jésus très aimant, pourquoi donc ne pas vous aimer d'un amour désintéressé,

oubliant le ciel et l'enfer, non pour être récompensé, mais simplement comme vous m'avez aimé ? C'est ainsi que je vous aime, ainsi que je vous aimerai :

uniquement parce que vous êtes mon roi, uniquement parce que vous êtes mon Dieu. »

fr. Pierre