2° Dimanche de l'Avent (C) Lc 3, 1-6
« Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère » nous a dit le prophète Baruch et il concluait sa prophétie en disant : « Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, avec sa miséricorde et sa justice » Et dimanche prochain, saint Paul nous invitera à être sans cesse joyeux !
Alors, si nous parlions un peu de la joie ? C'est un thème qu'affectionne beaucoup notre pape François : presque toutes ses encycliques en parlent (Joie de l'Evangile, joie de l'amour, etc.)
La joie, oui, mais le rire ? Le rire est souvent mal vu dans les règles religieuses et monastiques. Pourtant, que ça fait du bien de rire un bon coup quand ce n'est pas de la gaudriole ou de la moquerie ! J'ai une admiration sans borne pour les hommes et les femmes qui savent nous faire rire de nous-mêmes, de nos manies et de nos petits travers (Fernand Raynaud, Coluche, Thierry le Luron, Gad Elmaleh, Raymond Devos sans oublier notre bon vieux Rabelais)
La politique et l'enseignement religieux sont terriblement ennuyeux… ! Le plus souvent, ils nous enseignent la résignation à renfort d'interminables raisonnements et d'exhortations moralisantes, au lieu de nous ouvrir portes et fenêtres à la joie du grand air !
Regardons notre Jésus, « l'homme-joie », ainsi que l'appelle Christian Bobin. Est-ce que la lecture de l'Evangile nous met la joie au cœur, et illumine nos yeux d'un beau sourire ? Allons, allons… les disciples auraient-ils suivi Jésus s'il ne leur avait ouvert le secret de la joie, le trésor de la joie ?
Ecoutons ce que nous dit saint Luc : « À l'heure même, Jésus exulta de joie sous l'action de l'Esprit Saint, et il dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l'as voulu ainsi dans ta bienveillance…/… Puis il se tourna vers ses disciples et leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! » Heureux, heureux, heureux, c'est le mot qui revient le plus souvent sur les lèvres de Jésus.
Jésus n'a pas besoin de parler de la joie, il la donne. C'est une joie qui fait courir : remarquez la fréquence du mot « aussitôt » au début de l'évangile de Marc. Les mots « aussitôt » et « courir » rythment les premières pages des évangiles : « je vous annonce une grande joie ! » et Marie court chez sa cousine…
Et c'est encore plus intense à la résurrection : Marie-Madeleine court, Pierre et Jean courent, les disciples d'Emmaüs se hâtent, etc. Et saint Luc fait cette remarque étonnante : « dans leur joie, ils n'osaient y croire ! »
N'en va-t-il pas ainsi de nos vies : il y a les débuts où, pleins de joie et d'énergie, nous courons, comme Thérèse de l'Enfant-Jésus au Carmel. Puis il y a ce que nous pourrions appeler la période d'incubation, parfois douloureuse « es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » et il y a le sprint final qui parfois fait concurrence aux handisports, en fauteuil… roulant ! c'est alors une joie sinon plus exubérante, du moins plus profonde que la première.
Ne méprisons pas les jours où la joie des autres nous agace, où nous risquons d'être « rabat-joie » ! où nous sommes tentés de nous retirer dans notre tour d'ivoire (qui n'a rien à voir avec la tour d'ivoire dans les litanies de la Vierge Marie) pour bouder et étaler notre médiocrité à la face du monde qui ne nous comprend pas !
Paul nous invite à nous réjouir avec ceux qui sont dans la joie et à pleurer avec ceux qui pleurent (mais aussi à consoler les grincheux…)
Précisément, Paul, le soi-disant moraliste, dit que la joie est le premier fruit de l'Esprit Saint après la charité. Et Ignace de Loyola en fait le signe majeur du discernement des esprits.
Dieu aime celui qui donne avec joie ! Relisons attentivement saint Paul et nous verrons la place importante qu'il donne à la joie dans toutes ses lettres, y compris la lettre aux Romains. Sans parler de la lettre aux Philippiens où son âme déborde. (Lettre que je vous invite à lire et à relire)
Joie et action de grâces vont de pair. Un vieux moine ne cessait de dire avec saint Paul : « Rendez grâces en tout temps » et il ajoutait aussitôt : « et surtout dans les contretemps. »
C'est de cette manière que les apôtres sont sortis tout joyeux d'avoir eu à souffrir à cause du Nom de Jésus.
Et c'est bien ainsi que saint François explique la joie parfaite à frère Léon : elle nous est offerte par nos propres frères et sœurs, elle nous est offerte dans nos humbles communautés chrétiennes aujourd'hui.
F. Pierre