3° Dimanche de l'Avent, de Gaudete (C) Lc 3, 10-18
Sœurs et frères, regardons de manière panoramique les Évangiles des quatre dimanches de cet Avent, tous de la plume de saint Luc. Le 1er dimanche de l'Avent nous a propulsé au chapitre 21, juste avant la Passion de Jésus. Dimanche dernier, nous avons commencé le chapitre 3 avec Jean-Baptiste, et nous continuons ce chapitre aujourd'hui avec cependant un saut de trois versets pourtant bien intéressants, parce rudes à entendre. Dimanche prochain, nous ferons un bond en arrière de près de 30 ans en revenant à la Visitation de Marie à Élisabeth.
Dans l'Évangile de ce jour, la phrase déterminante est celle posée à trois reprises à Jean-Baptiste : « que devons-nous faire ? ». Mais pourquoi cette question ? C'est là qu'il nous faut lire les trois versets manquants. Jean-Baptiste parcourt la région du Jourdain en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés.
Que dit-il ? « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc des fruits qui expriment votre conversion. Ne commencez pas à vous dire : “Nous avons Abraham pour père”, car je vous dis que, de ces pierres, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu ».
C'est alors que ses interlocuteurs lui demandent à trois reprises : « que devons-nous faire ? ». Au vu de ce qui précède, on pourrait croire que le Baptiste va brandir sa cognée pour attaquer les arbres à la racine. Eh bien, pas du tout. Jean-Baptiste a le sens pastoral, figurez-vous !
Que dit-il aux foules ? « Celui qui a deux vêtements, qu'il partage avec celui qui n'en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu'il fasse de même ! ». Aux collecteurs d'impôts, il dit : « N'exigez rien de plus que ce qui vous est fixé ». Aux soldats il dit : « Ne faites violence à personne, n'accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde ».
Ainsi, préparer le chemin du Seigneur, rendre droits ses sentiers, produire des fruits qui expriment notre conversion, c'est partager ce que l'on a, faire son travail sans enrichissement personnel aux dépens des autres, et n'être pas violent.
Ce qu'il y a de pastoral dans les propos de Jean-Baptiste, c'est qu'il s'adresse à des collecteurs d'impôts et à des soldats, métiers très mal vus à l'époque. Jean-Baptiste ne leur demande pas de quitter leur métier, mais de l'accomplir de manière juste et équitable.
Il nous faut relire cet Évangile avec les questions de notre temps : l'accès à l'aide médicale gratuite pour les plus nécessiteux, l'accès à un logement décent – particulièrement pour les mineurs qui vivent dans la rue – etc. L'Évangile a une dimension politique ; et politique veut dire : vie de la cité.
Pour densifier cette lecture, il faut relire cet Évangile en lui donnant tout son poids biblique. « Que devons-nous faire ? ». C'est une expression qui fait tilt pour les lecteurs de la Bible. Saint Luc, en effet, la reprend à trois reprises dans les Actes des Apôtres : à la Pentecôte, à la conversion de Paul et lors de la libération de celui-ci de prison (voir Actes 2, 37 ; 22, 10 ; 16, 30).
A chaque fois, il est question ensuite du baptême. Tout comme pour Jean-Baptiste qui annonce juste après l'appel à la conversion ce baptême dans l'Esprit et le feu. Il y a donc un lien très fort entre baptême et vie croyante, entre baptême et vie baptismale vécue dans le concret de la vie.
Les témoins de la Pentecôte, Paul et son geôlier sont tous au début de leur découverte du Christ. Et la question « que devons-nous faire ? » se pose à eux avec une vive acuité, celle des commencements, de la foi naissante et ardente.
Si la liturgie nous propose ce texte, au début d'une année liturgique, c'est parce que cet Évangile a quelque chose à nous dire, mais à rebours : non pas un appel à la conversion qui débouche sur le baptême, mais appel à la conversion qui est une conséquence de notre baptême.
Chez saint Luc, découvrir le Christ et être baptisé conduit nécessairement à des changements dans sa vie. Pour nous, par la proclamation de cet Évangile, nous est posée la question de la cohérence de notre vie dans notre état de baptisés. Et pour cela, il faut sûrement réveiller, secouer, rajeunir notre baptême. Et cela peut commencer par connaître la date de notre baptême, pour en rendre grâce.
Le baptême, notre plongée dans le Christ mort et ressuscité, cela vaut bien une action de grâce chaque jour ou le plus souvent possible.
Alors rendons grâce avec saint Paul aux Philippiens, en nous souvenant qu'il est en captivité et dans l'incertitude de son sort. Et pourtant il nous dit : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie (…) en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce ».
Cet appel à la joie, jusque dans l'épreuve, est comme annoncé par Sophonie, ce prophète à la charnière des 7ème et 6ème siècle avant Jésus-Christ. Mais lisez, non pas seulement les quatre versets de la 1ère lecture, mais tout le chapitre 3. Vous serez surpris par le contraste avec ce que nous avons entendu tout à l'heure … tout comme nous le sommes avec « Engeance de vipères ! (…) Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres … ».
En ce temps de l'Avent, temps de grâce, la question de notre baptême vivant et mordant bien dans notre vie nous est posée. Personnellement, communautairement, en Église : quel geste, quelle attitude nouvelle, poserons-nous à l'occasion de Noël pour rajeunir notre baptême, pour qu'il soit un principe encore plus actif et agissant dans notre vie ?
Fr. Jean-Jacques