11° Dimanche du TO*B Mc 4, 26-34
Chers amis, amis de l'évangile, amis de Jésus-Christ, amis de Dieu…
Avez-vous éteint vos téléphones portables et arrêté votre voiture quelques instants dans la campagne environnante pour prendre le temps d'écouter le chant des oiseaux ? C'est un gazouillis qui charme nos oreilles, un ramage qui réjouit nos cœurs : que la création est belle ! Laudato si, Signore Dio di grande amore ! Loué sois-tu Seigneur et que ton amour est grand ! Et j'espère que vous trouverez autant de joie et de plaisir à écouter le gazouillis du chœur des moines !
Aujourd'hui Ezéchiel et Jésus viennent de nous parler de l'arbre aux oiseaux, cet arbre immense où les oiseaux viennent se réfugier. Arbre qui a grandi à partir d'un presque rien, à partir d'une infime graine. Mais quel est cet arbre ? Dans l'église Saint Clément à Rome se trouve une splendide mosaïque. Au centre, une grande croix et, sur elle, douze colombes. La croix est entourée de rinceaux de feuillage où chante une multitude d'oiseaux bigarrés. Dans le bandeau inférieur de la mosaïque, des hommes de tous métiers s'affairent à leur ouvrage.
L'arbre aux oiseaux, l'arbre de la vie, c'est la croix de Jésus. Tous ceux qui désirent ardemment la vie viennent s'y réfugier. La croix de Jésus, c'est notre fierté, crie saint Paul, folie plus sage que les hommes. Chaque semaine nous nous retrouvons pour célébrer l'eucharistie : quelle douce folie ! mais nous venons comme les oiseaux nous abreuver à la source de la vie, cette vie que Dieu nous donne par la Croix de Jésus, vie qui s'épanouit dans le chant mélodieux des œuvres d'amour et de miséricorde qu'Il nous donne d'accomplir. Le cœur dilaté, nous courons, dit saint Paul. Un psaume va jusqu'à affirmer que nous volons sur les ailes du vent…
Abreuvés de la vie de Jésus et ivres de joie, nous pouvons dire comme saint Paul le disait tout à l'heure aux Corinthiens : « Notre ambition, c'est de plaire au Seigneur ! »
« Plaire à Dieu »… Depuis le jansénisme, nous avons beaucoup de difficultés avec le mot « plaisir » La bible elle-même nous dit que la mort se tient au seuil du plaisir, sentence reprise par saint Benoit dans sa règle. Dans notre inconscient catho, il est de règle d'agir par devoir et non par plaisir ou, au mieux, de trouver plaisir dans notre devoir ! et les moralistes nous parlent du « devoir conjugal » ! Pourquoi vivre ensemble – que ce soit en famille ou en communauté – serait un devoir plus qu'un plaisir ? Le plaisir est fugace et instable, dit-on, mais peut-on vivre uniquement par devoir ? Si plaire au Seigneur est uniquement un devoir, n'allons-nous pas le faire en traînant les pieds ?
Mais quand nous lisons l'évangile, nous voyons que Jésus ne sépare pas le plaisir et la joie. Il affectionne parler du bonheur : « heureux, bienheureux » sont des mots qui reviennent sans cesse sur ses lèvres. Quand Jésus énonce les célèbres béatitudes en Matthieu ou en Luc, il ne parle pas de « devoirs » mais de promesses de plénitude là où sévit le manque. Ce qui plaît à Dieu, c'est notre bonheur ! Saint Paul que nous imaginons sévère et austère, est l'auteur du Nouveau Testament qui parle le plus de la joie, elle déborde dans sa lettre aux Philippiens et nous voyons que, pour lui, vivre avec Jésus est un plaisir partagé qui prend sa source dans la Croix.
Le plaisir n'est pas l'assouvissement du désir : Jésus juge malheureux ceux qui sont repus dont le plaisir n'est qu'une morne platitude, un sourire gras, triste et figé.
La béatitude éternelle, le plaisir éternel, n'est pas le comblement des repus, ce qui ressemblerait plutôt à une mort où plus rien ne change ! Comme l'a écrit Simone de Beauvoir « votre paradis éternel ne nous promet qu'un éternel ennui ! » Non, la béatitude c'est un désir d'amour, donné et reçu, toujours en expansion. L'univers en expansion des astrophysiciens est une parabole de la vie éternelle. Joie sans fin parce que création sans fin.
Tristesse, déprime, désespérance, goût à rien, les moines parlent de la maladie de l'acédie, poison d'une vie qu'on traîne sans joie, sans plaisir. Job refuse cette mort vivante et se rebelle contre Dieu et, paradoxalement, Dieu, après avoir déployé sous ses yeux les merveilles de la création, lui donne raison et Job retrouve joie et plaisir de vivre.
Alors ne rechignons pas de donner du plaisir à Dieu qui nous le rend au centuple. Donnons-en aussi à nos proches, et nous serons comme ces oiseaux nichés sur l'arbre de la Croix, oiseau au vol gracieux et au chant mélodieux !
Fr. Pierre