6° Dimanche de Pâques (A) Jn 14, 15-21

Nous avons tous entendu et chanté cette chanson de Jacques Brel avec sa voix chaude et rocailleuse :

Quand on n'a que l'amour                                Alors sans avoir rien
Pour parler aux canons                                     Que la force d'aimer
Et rien qu'une chanson                                     Nous aurons dans nos mains
Pour convaincre un tambour                          Amis, le monde entier

Pourquoi, à chaque fois que nous l'écoutons, l'émotion nous prend-elle ? N'est-ce pas parce qu'elle touche en nous une vérité profonde, un désir, le seul désir véritable, le désir de vivre et de donner la vie, le bonheur et la joie de vivre ?

Qu'est-ce qui nous touche si profondément quand nous lisons les Confessions de saint Augustin ou les écrits de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus ? C'est l'amour dans sa vérité et sa simplicité, un amour vrai, sans fioriture, une recherche exigeante de vérité, une très grande liberté.

Voilà précisément ce que nous offre Jésus dans ce passage de l'évangile de Jean : « celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; moi aussi je l'aimerai, et je me manifesterai à lui. »

Mais à quoi reconnaît-on la vérité de l'amour ? Aux émotions que l'on ressent ? Ne confondons pas les effets de l'amour avec son origine. Oui, l'un des grands effets de l'amour – et c'est souvent ce que nous recherchons – c'est ce sentiment de plénitude et d'épanouissement de notre être tout entier. Mais ce n'en n'est pas la cause, ni l'origine. Le commencement de l'amour, c'est l'écoute de l'autre pour le connaître et, peu à peu, harmoniser les pensées et les sentiments. Aimer, c'est apprendre une langue nouvelle, la langue de l'autre. Chacun de nous est unique et a sa propre langue ! Les parents le savent bien qui découvrent un être unique et différent en chacun de leurs enfants. C'est ce que Jésus dit à ses disciples : « si vous m'aimez, vous garderez mes commandements » Il le dit ailleurs autrement : « si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole » Ce qui rejoint le premier commandement : « Ecoute, Israël », commandement que saint Benoît reprend au début de sa Règle : « Ecoute, ô mon fils ! » L'amour est tout d'abord cette ouverture à l'autre par l'écoute. Cette écoute est doublement libératrice : elle libère de soi-même et libère celui qu'on écoute. Autrement dit, l'amour est la rencontre de deux écoutes.

Si nous lisons attentivement la Bible, nous nous apercevrons que le Dieu qui se révèle est un Dieu qui écoute : « J'ai entendu le cri de mon peuple ! » De là vient son nom de Père parce qu'il parle à des fils qu'il écoute. Regardons attentivement Jésus, tel que nous le décrivent les évangélistes : avant d'être un homme qui enseigne, c'est un homme qui écoute : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » Parce qu'il est l'oreille de Dieu, Jésus peut parler et dire les paroles de Dieu et nous pouvons les écouter.

Alors se produit un profond dialogue d'amour tel que nous le décrivent Augustin et Thérèse de Lisieux, Origène et François de Sales, Bernard et Pierre Abélard… Ils nous montrent, à la suite de Jésus que le plein accomplissement de soi passe par l'entier dépouillement de soi. Dieu lui-même l'a fait le premier pour nous afin que nous suivions ses traces comme le dit saint Pierre. Et c'est l'expérience de saint Paul : « ayez les sentiments qui furent dans le Christ Jésus, lui qui était de condition divine… » vous connaissez la suite par cœur.

Oui, telle est bien la merveille de l'amour chrétien : « Celui qui m'aime sera aimé de mon Père, moi aussi je l'aimerai, et je me manifesterai à lui » conclut Jésus.

Quand on n'a que l'amour                                         Quand on n'a que l'amour
Mon amour, toi et moi                                                Pour vivre nos promesses
Pour qu'éclatent de joie                                             Sans nulle autre richesse
Chaque heure et chaque jour                                   Que d'y croire toujours

fr. Pierre