3° Dimanche du TO*A Mt 4, 12-23

L'évangile de ce dimanche raconte un démarrage, une mise en route : Jésus commence, et aussitôt, il se met à bouger, à parler, proclamer, à appeler des disciples, à toute allure. Le caractère fulgurant du démarrage de Jésus est à rapprocher de cette grande lumière qui apparaît soudain au milieu des ténèbres, comme dans le Prologue de saint Jean. Quand Dieu vient en chair et en os parler aux hommes, cela se fait de façon fulgurante !

Frères et sœurs, devant un évangile comme celui-là, comment savoir ce qui est le plus important ? Il y a déjà tellement de choses !

La Parole de Dieu use pour nous le dire d'une méthode très simple, celle-là même que nous utilisons tous les jours quand nous voulons dire bien fort que quelque chose est important : nous répétons. Nous le faisions déjà, enfants, inlassablement. La répétition est le moyen le plus simple pour dire que quelque chose est important. Dieu fait pareil, comme un enfant. Quand un moine s'endort sur sa lectio, les répétitions sont là pour le réveiller, ça fait ding-ding : attention, voilà quelque chose d'important.

Dans le court texte que nous avons entendu, il y a eu un très grand nombre de répétitions, une bonne vingtaine, je parle d'éléments signifiants, en laissant de côté les mots-outils, les prépositions, les articles, les conjonctions… Cela fait une vingtaine de pistes passionnantes, mais c'est beaucoup trop pour une homélie !

Alors, qu'est ce qui a été LE PLUS répété ? Eh bien, il y a un tiercé gagnant ; trois mots ont été répétés quatre fois chacun, trois mots très chrétiens : le mot « frère », deux fois au singulier, deux fois au pluriel, « la mer », et puis « la Galilée ».

Je parle souvent de la fraternité, j'aime aussi beaucoup parler de la mer, parlons aujourd'hui de ce troisième : la « Galilée ».

Je ne suis jamais allé en Terre sainte, mais je sais que la Galilée est un beau pays. Au regard des pays avoisinants, c'est un pays très fertile, c'est un grenier à blé et à orge et les Romains ont fait main basse sur le pays à cause de cela justement. Tout pousse en Galilée, aussi bien les palmiers du sud que les noyers et les châtaigniers du nord, la vigne bien sûr, des tas de légumes et une multitude de fruits, et même les champignons. C'est un pays de cocagne, un jardin et un verger, un paradis… Mais que veut dire « Galilée » ?

Dans les langues sémitiques, gal, galal, c'est « rouler, s'enrouler, tourner », c'est tout ce qui roule et tout ce qui tourne ; Gilgal, par exemple, c'est un caillou qui tourne, une « Pierre-qui-vire », ou une pierre bien ronde. La racine gal a aussi donné les megillôt, les « rouleaux » de l'Écriture sainte qu'il faut dérouler pour les lire, et nous devons faire tourner longuement devant nos yeux la Parole de Dieu, pour qu'elle se mette à miroiter, comme une pierre précieuse.

Quant au pays de Galilée, c'est la « Galilée des nations » parce que c'est une plaque tournante, un lieu-frontière, avec plusieurs royaumes, plusieurs nations, et la petite mer de Galilée est, comme la Méditerranée à une autre échelle, la plaque tournante des échanges entre tous ces pays.

Si j'entends bien Isaïe, la Galilée est un monde instable, pas clair, un peu sordide, un monde de trafics, comme cette Corinthe où Paul est allé porter la parole. Corinthe, au I° siècle, c'est une gigantesque foire, un port mal-famé, le Macao de l'époque, plaque tournante des trafics en tous genres, de la drogue, de la prostitution…

Frères et sœurs, un chrétien, le dimanche, doit toujours se souvenir que Jésus avait dit aux disciples : « quand je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée ». Le Ressuscité vient à la rencontre des hommes là où les hommes se rencontrent, sur des plaques tournantes, des places et des ronds-points, dans les ports, les aéroports, les gares et les échangeurs, dans les rencontres internationales.

Chaque église chaque dimanche est une petite Galilée, un point de rencontre et d'embarquement. Ce n'est pas un lieu de résidence, pas une bergerie où des moutons auraient leurs habitudes, c'est une plaque tournante pour une heure seulement, une barque instable, inconfortable, où le Galiléen nous accueille et nous demande de l'accueillir, de l'embarquer dans notre vie. Et la chose se répète, de dimanche en dimanche, parce que c'est important d'écouter sa Parole pour l'embarquer avec nous, si sombre que soit notre vie, si instable qu'elle soit, pour que Dieu l'inonde de sa vive lumière. Amen.

frère David