2° Dimanche du TO*A Jn 1,29-34
« De la bouche sort le trop-plein du cœur » dit Jésus. Aujourd'hui, je voudrais parler avec vous du trop-plein de nos cœurs, c'est-à-dire parler de Jésus, parler de l'amour fou de Dieu qui transforme tout, parler de joie, de vie, d'espérance. « Evangelii gaudium » la joie de l'évangile dont notre pape François parle sans cesse.
« J'ai de la valeur aux yeux du Seigneur, c'est mon Dieu qui est ma force…/… c'est trop peu que tu sois mon serviteur, je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu'aux extrémités de la terre ! » vient de nous rappeler le prophète Isaïe. Cette parole de Dieu, Jésus nous l'a redite avec force : « vous êtes la lumière du monde, vous êtes le sel de la terre » Le défunt pape Benoît XVI paraphrasait en disant : « nous sommes le sel de la terre, nous ne sommes pas le sucre de la terre ! »
Oui, en nous donnant son Esprit, Jésus nous donne la joie. Beaucoup de nos contemporains usent leurs pieds à courir vite pour amasser, amasser, et être finalement ramassés, épuisés et tristes, alors qu'ils pourraient user leurs pieds à danser de joie, pour rien, gratuitement, comme le Jongleur de Notre Dame. Quand Jésus nous invite à la conversion, c'est à une conversion à la joie, il nous invite à abandonner nos semelles de plomb, ce MOI envahissant qui nous rend insupportables, pesants aux autres et à nous-mêmes.
Connaissez-vous l'œuvre de Matisse ? Elle reflète magnifiquement ce progressif allègement pour aboutir à la joie pure et dépouillée de la chapelle des Dominicaines de Vence. Toute la création est l'œuvre d'art de Dieu, une œuvre qui s'inscrit dans le temps. Dieu nous invite à devenir nous-même une œuvre d'art dépouillée de tout artifice.
Les Pères de l'Eglise décrivaient cette évolution de notre vie chrétienne en disant que nous sommes appelés à vivre de la même légèreté que celle des anges en nous joignant à leur chœur.
Mais revenons à ce trop-plein de notre cœur qui n'est autre que Jésus lui-même comme le dit saint Paul : « l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné. » Quand nous nous laissons bousculer par cet amour, nous connaissons la joie. Cela ne va pas sans combat parce qu'il y a en nous et autour de nous des résistances à la joie. La tristesse paralysante est l'œuvre de l'Adversaire qui cherche à l'instiller en nous. Il ne cesse de nous proposer des joies creuses et factices qui, une fois éteintes, laissent place à une tristesse encore plus profonde et amère. Saint Ignace de Loyola, à la suite de saint François, nous donne précisément des critères pour distinguer entre la joie profonde que Dieu donne, et les fausses joies.
Qui plus est, cette joie ouvre le cœur à la vraie connaissance de soi-même, des autres et de Dieu et elle nous permet d'agir avec justesse. Un vieil adage dit que le Bien se répand de lui-même. Alors que nous avons l'expérience du mal qui ne cesse de susciter des rejetons, saint Paul nous dit que le Bien, la Grâce de Dieu, est bien plus prolifique encore. Quand la joie de Dieu habite notre cœur, elle s'écoule naturellement sans qu'on ait besoin de calculer et elle devient comme la rivière de l'Apocalypse : le petit filet d'eau devient un fleuve qui assainit tout et revivifie tout ce qui est malade, flétri et mourant. C'est la puissance de la résurrection de Jésus à l'œuvre aujourd'hui. C'est à cette joie que nous venons nous ressourcer chaque dimanche pour que notre communauté de prière, d'amour et de joie s'en aille irriguer avec douceur notre monde blessé.
fr. Pierre