3° Dimanche de l'Avent (B) Jn 1, 6-8.19-28

 « Frères, soyez toujours dans la joie, priez sans relâche ! » nous disait saint Paul tout à l'heure.Mais l'heure est-elle à la joie ? Pouvons-nous arborer un large sourire alors que les actualités ne nous y portent guère. Et, quand bien même nous passerions outre, ne serait-ce pas interprété comme insolence, insouciance ou mépris ?

Voilà un côté paradoxal de la personnalité de saint Paul. Oui, Paul, ce grand raisonneur et moraliste, est un homme joyeux. C'est surtout dans sa lettre aux Philippiens qu'il se lâche, qu'il laisse déborder sa joie. Aurait-il suscité tant de disciples sans cette joie débordante, entraînante, et rafraîchissante ? D'ailleurs, est-il possible d'être gracieux sans être joyeux ?

Le chrétien est un homme, une femme qui vit dans une attente joyeuse, et c'est plus particulièrement le cas chaque année en ce temps de l'Avent, ce temps de l'espérance.

Plus que huit jours de joyeuse attente et nous chanterons : « Noël, Noël » Chaque année nous en faisons l'expérience, la joie est bien plus grande dans la préparation et l'attente de la fête que dans la fête elle-même à la fin de laquelle il y a parfois un serrement de cœur. Pourquoi ce serrement de cœur ? Parce que la fête est finie, que nous éteignons guirlandes et lampions, et que nous allons retrouver la grisaille quotidienne ?

Etre toujours dans la joie comme nous le souhaite saint Paul, est-ce possible ? Pouvons-nous poser la question autrement ? Pouvons-nous faire une différence entre la joie et les différentes manières dont nous l'éprouvons : joie parfois exubérante lors d'une grande émotion, joie plus profonde et sereine lors d'une calme conversation avec un ami. Il y a la joie qui nous fait courir comme Marie vers sa cousine Elisabeth et il y a la joie douloureuse de l'amour.

Voilà, le mot est lâché : l'amour. La joie n'est-elle pas à proportion de l'amour, c'est-à-dire à proportion du don de soi. Et nous connaissons bien la différence entre joie et plaisir : nous recevons le don de la joie à la mesure de l'oubli de nous-mêmes, pour offrir à l'aimé(e) la joie de vivre et d'exister. C'est exactement l'attitude de Jésus qui confie à ses disciples qu'il fait toujours ce qui plaît à son Père. A cette profondeur, joie et paix se confondent, se fondent, sont identiques. A Noël, les anges annoncent « grande joie et paix sur terre ! » parce que le pur Amour a trouvé un coin pour se poser et s'enraciner sur terre !

Mais, dès qu'il se manifeste, l'Amour rencontre la contradiction, l'incompréhension, la résistance et la douleur. Joie et souffrance sont inséparables dans le cœur de celui qui aime, c'est l'expérience quotidienne des saints. Blaise Pascal, lorsque son cœur est illuminé dans sa nuit de feu écrit : « joie, joie, joie, pleurs de joie. » Expérience des apôtres qui sortent tout joyeux du Sanhédrin pour avoir été jugés dignes de souffrir pour Jésus, réalisant dans leur chair la neuvième béatitude prononcée par Jésus : « Heureux êtes-vous lorsque l'on vous insulte, que l'on vous persécute et qu'on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi. Soyez dans la joie et l'allégresse » Combien de fois avons-nous entendu cette béatitude sans trop y croire, avec l'espérance de n'avoir jamais à boire à ce calice ! Et pourtant, que de témoignages comme celui des Japonais qui assistèrent à la crucifixion des chrétiens de Nagasaki, stupéfaits de les voir joyeux dans la souffrance.

La joie est à proportion du don et c'est pourquoi Dieu le Père est maître et source de toute joie parce qu'il donne TOUT sans rien exiger en retour sinon d'essayer de lui rendre amour pour amour.

A Noël, nous allons voir la joie de Marie, la joie de Joseph, la joie des bergers, la joie des mages dans un contexte de pauvreté et de contradiction.

Il est vain d'opposer la joie de Noël et les souffrances de la Passion… comme nous le chanterons avec les enfants dans le cantique « Il est né le divin enfant » : « de la crèche au crucifiement, il nous aime inlassablement… » il n'y a que la joie d'un Dieu-Père qui s'offre et se donne tout entier à ses enfants et nous invite, à travers Jésus, à découvrir le secret de la joie, cette joie parfaite dont vécut et témoigna saint François d'Assise.

Toute notre vie est une lente découverte, un long apprentissage du secret de la joie. Que de résistances en nous à la joie ! « Dans leur joie, ils n'osaient y croire » est-il écrit dans les évangiles alors que Jésus ressuscité se montre aux disciples. Mais quand la joie parfaite inonde un cœur, elle ne le lâche plus et avec elle, grandit une infinie liberté, la liberté des enfants de Dieu !

Fr. Pierre