19° Dimanche du TO*A Mt 14, 22-33
Frères et sœurs, pour comprendre l'Évangile que nous venons d'accueillir, laissons résonner en nous quelques échos bibliques, en faisant mémoire d'autres évènements évangéliques voire de scènes de l'Ancien Testament. Grâce à cet Évangile de la tempête apaisée, nous pourrons aussi éclairer notre propre histoire qui se confond parfois avec celle des disciples apeurés.
Tout commence par un ordre de Jésus qui renvoie les disciples vers l'autre rive.
Au terme d'une journée que nous pouvons deviner harassante, le Seigneur vient de multiplier les pains et ainsi de nourrir les foules. Il sent vraiment le besoin de se retrouver seul pour prier son Père comme il en a l'habitude.
Pour cela il va gravir la montagne, comme le faisait jadis Moïse qui rencontrait Dieu face à face sur le mont Sinaï.
Oui, la montagne est un lieu propice de rencontre avec Dieu. Toutes les spiritualités sont traversées par ces montagnes sacrées du Thabor au Hoggar, du mont Athos aux cimes de l'Himalaya.
Pareilles montagnes permettent de se mettre à l'écart, d'écouter Dieu, comme Elie, dans «le murmure d'une brise légère», de dialoguer avec Lui.
Frères et sœurs, prenons-nous le temps, personnellement et régulièrement d'une telle rencontre ?
Prenons-nous le temps pour rencontrer le Seigneur dans le silence, voire le retrait de la vie quotidienne qui favorisent la prière en permettant aussi de se retrouver soi-même.
Parallèlement, Jésus contraint les disciples à le précéder sur l'autre rive.
Donc à traverser le lac pour aller à la rencontre des autres.
A quitter le connu et le bien confortable du chez soi pour répondre à l'appel de Dieu.
C'est ce qui est arrivé jadis aux Hébreux qui ont quitté l'Égypte, à pieds secs par la Mer Rouge, pour gagner la Terre promise.
Aujourd'hui cet Exode, c'est l'Église qui l'accomplit pour porter la Parole de Dieu à toutes les nations sans exception.
L'évangéliste Matthieu nous laisse précisément discerner dans la barque le symbole de l'Église, ballottée par des vents contraires, hier comme aujourd'hui.
En notre pays, par exemple, si d'une certaine manière la laïcité n'est pas trop combative, en revanche l'indifférence gagne rapidement du terrain chez les jeunes générations, en particulier et jusque dans nos familles.
Nous sommes invités à aller vers l'autre rive, c'est-à-dire à leur rencontre, à leur transmettre simplement ce que nous avons reçu: l'Évangile et les quelques repères fondamentaux pour la vie qu'il contient.
En notre monde sécularisé, sommes-nous des témoins de la foi et de la liberté intérieure qu'elle engendre ?
De façon plus personnelle, la tempête peut souffler dans nos vies et faire pas mal de ravages. Il est des moments où notre propre barque est bien chahutée, jusqu'à nous faire craindre le naufrage. Alors entendons Jésus venir à nous.
Entendons-le nous dire : «Confiance ! C'est moi»
L'apparition fait songer à celle du Ressuscité qui fit trembler de peur les saintes femmes, réconfortées dans le même temps par l'ange : «Soyez sans crainte... Le Crucifié est ressuscité, comme il l'avait dit.»
Il est donc bien vivant Celui qui nous interpelle ce matin :
«Viens ! »
Saurons-nous entendre sa voix ?
Oserons-nous y croire et y répondre ?
Et voici que la figure de Pierre se détache, puisque c'est à lui que cet appel est adressé.
Mais, ainsi qu'à d'autres endroits de l'Évangile, son attitude, comme la nôtre, sera tout en contrastes.
Il est d'abord mû par le ressort de la confiance, puisqu'il marche sur les eaux à la rencontre de Jésus.
Car il sait que Jésus peut tout.
D'ailleurs, il le confessera un peu plus tard dans la région de Césarée : «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.»
Cette foi forte lui permet de vaincre les éléments déchaînés. Elle doit aussi nous permettre de passer notre chemin au milieu de l'adversité.
Mais le doute s'insinue vite.
Pierre prit peur et commença à couler.
Le doute va fissurer sa foi, encore plus nettement durant le procès de Jésus devant le Sanhédrin, puisqu'il ira alors jusqu'à renier son Maître :
«Cet homme, je ne le connais pas».
Heureusement, Jésus a le dernier mot comme dans nos vies :
«Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?»
Puissions-nous alors, frères et sœurs, comme Pierre, pleurer amèrement.
Oui, Seigneur, viens au secours de notre peu de foi !
Et sachons reconnaître, avec toute l'Église dans la barque : «Vraiment, tu es le Fils de Dieu.»
Amen.
Fr. Benoît-Marie