Nuit de la Nativité du Seigneur Lc 2, 1-14

Paix sur la terre aux hommes qu'Il aime. Frères et sœurs, Dieu nous donne son Fils, son enfant qui est le Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. En ce temps de guerre en Ukraine, alors que M. Poutine – qui se dit chrétien – n'a pas voulu faire de trêve pour la fête de Noël, il nous faut nous rappeler que Jésus est le Prince de la Paix, le seul qui puisse vraiment nous désarmer. Cela me fait penser à la photo dans un journal, celle d'une jeune femme soldat – probablement en Afghanistan – portant dans ses bras un bébé qu'elle tient tout contre elle, comme si c'était le sien. Son fusil en bandoulière est orienté vers le sol. Elle est comme désarmée par ce petit être dont elle prend soin… Il y a quelque chose comme ça dans le mystère de Noël. Nous aussi, nous sommes désarmés devant l'enfant de la crèche, émerveillés par sa beauté et sa pauvreté. Pour pouvoir accéder à l'enfant intérieur, il nous faut enlever nos protections, retirer nos armes qui nous encombrent et nous donnent l'illusion d'être forts devant les autres.

Le joug qui pesait sur (le peuple), la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà brûlés : le feu les a dévorés. Cet extrait du livre d'Isaïe, que nous avons entendu tout à l'heure, nous dit que Dieu est plus fort que la guerre. Il triomphe, non pas avec une arme encore plus puissante, mais en brisant le pouvoir des hommes, par la faiblesse de son Fils. Le cardinal Parolin, secrétaire d'Etat du Saint-Siège, a appelé récemment au désarmement, qui est pour lui « l'unique réponse adéquate et résolutive si nous voulons construire un avenir de paix ». Il a appelé ceux qui l'écoutaient à « ne pas rester sourd aux cris des peuples qui demandent la paix et non la guerre, le pain et non les armes, le soin et non l'agression ». Évidemment, cela n'est possible qu'après avoir fait justice, car il n'y a pas de paix authentique sans vérité.

Frères et sœurs, si la fête de Noël nous touche autant, c'est parce qu'elle nous renvoie l'image de cet enfant Dieu qui sommeille en chacun de nous, dans la pauvre étable de notre cœur, encombrée de tout un bazar inimaginable, avec une forte odeur d'animal. Dieu se révèle au milieu de notre indignité. C'est pourtant le seul endroit où il peut s'abriter, car il n'y a pas de place dans la salle commune, nous dit l'évangile. Dans ce lieu malpropre, le nouveau-né est emmaillotté, couché là où mangent les bêtes. Déjà en quelque sorte sur la croix, il est livré à l'appétit de nos instincts, devenant la proie de nos pulsions les plus animales. Il est désarmé, vulnérable à tous nos cris de guerre. Que faisons-nous ? Il nous faut prendre soin de lui, détourner nos armes, comme cette femme soldat. Il nous faut tuer la guerre qui est en nous et autour de nous. Livrer le combat pour la dignité humaine. En venant vers nous jusque dans notre indignité, l'Enfant Jésus nous donne sa dignité à lui. Regardons-le, contemplons-le dans la crèche de notre cœur qu'il purifie de toute souillure. « Quel est dans l'âme le lieu où Dieu le Père prononce son Verbe, où s'accomplit cette génération divine ? », se demande Jean Tauler, le mystique rhénan. « Ce doit être dans la partie la plus pure, la plus noble et la plus subtile de l'âme ». Amen.

fr. Columba