7° Dimanche de Pâques (C) Jn 17, 20-26

Frères et sœurs, avez-vous déjà compté le nombre de fenêtres dans votre maison ou dans votre appartement ? Combien il y en a chez vous ? Ces fenêtres sont-elles grandes ou petites ? Il y a peut-être des fenêtres condamnées ou des fenêtres que vous n'ouvrez jamais ? 

Dans l'Évangile d'aujourd'hui Jésus ne parle pas de fenêtres. Mais en quelque sorte, il regarde par la fenêtre, il regarde son Père à travers la fenêtre de la prière. Sa fenêtre est grande et ouverte. Les yeux levés au ciel, il prie pour nous, pour notre unité. Il dit au Père : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu'ils soient un en nous, eux aussi ». Jésus désire notre unité, aussi bien intérieure, personnelle, existentielle, que communautaire ou familiale.

Dans le monde d'aujourd'hui, le monde chaotique, inquiet, avec peu de repères fiables, de plus en plus de personnes cherchent une fenêtre dans leur vie, une fenêtre qui leur apporterait non seulement de la lumière ou de l'oxygène (si elle est ouverte), mais aussi un sens à leur vie, un sens plus profond que la réussite sociale ou la richesse. Ces personnes, dont nous faisons peut-être partie, cherchent un apaisement intérieur, une guérison intérieure, une réconciliation avec leur humanité, avec leurs vulnérabilités. Ils cherchent une unité intérieure, une unification intérieure.

L'évangile d'aujourd'hui est une réponse à ce désir existentiel. Jésus nous dit que notre unité intérieure ou communautaire passe par un Tiers, par Dieu. Elle est possible grâce à notre communion avec Dieu, à notre ancrage dans l'amour qui unie le Père, le Fils et l'Esprit Saint. Cette communion nous unifiant, même si elle reste encore fragile et imparfaite, elle se vit, entre autres, dans la prière.

La prière, comme celle de Jésus, est comme une fenêtre par laquelle nous regardons le ciel bleu, par laquelle la lumière du soleil entre dans notre chambre, dans notre âme, la réchauffe et l'éclaire. Mais, il y a parfois des fenêtres qu'on ne nettoie plus, qu'on condamne, qu'on n'ouvre jamais. Elles deviennent sales. Il est difficile de voir le ciel bleu par une fenêtre encrassée, couverte de poussière. Le ciel, l'image de Dieu, qu'elle laisse transparaître est déformée et pas très attirante. Il y a aussi des fenêtres qui sont propres, mais dehors il y a du brouillard très épais, ou des nuages noirs, ou la nuit. Alors, on ne voit pas le ciel bleu non plus. La prière peut devenir alors difficile. Dieu est caché, il peut nous sembler absent, obscur, inaccessible.

Juste avant son arrestation et sa mort sur une croix, Jésus dit ceci dans sa prière adressée au Père : « Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu'ils contemplent ma gloire » Jésus désire que nous contemplions sa gloire. Contempler la gloire du Christ est une forme de prière particulièrement adaptée quand dehors la fenêtre il y a la nuit ou du brouillard épais, qu'on ne voit rien. Elle permet, en effet, de voir le ciel bleu non plus dehors la fenêtre, mais en nous, à l'intérieur de notre cœur. En hébreu, le mot « kavod », qu'on traduit par la « gloire », signifie d'abord un poids, une lourdeur, et ensuite une présence. Contempler la gloire du Christ, c'est donc contempler son poids, la densité de sa présence à l'intérieur de moi, ici et maintenant, indépendamment de la nuit ou du brouillard. Contempler la gloire du Christ, c'est lui permettre d'être en moi, tel que je suis, tel qu'il est.

Cette contemplation est réciproque. Je contemple la présence de Dieu en moi, dans mon cœur et il contemple ma présence en lui, dans son cœur, c'est-à-dire, il me regarde avec amour, avec bienveillance. C'est un partage de nos existences, de nos êtres intimes dans leurs vérités les plus profondes, indicibles. C'est cet échange avec Dieu qui nous unifie intérieurement, qui fait que nous sommes un. Bien sûr, c'est une unification fragile et imparfaite, tant que nous sommes ici-bas.

Le théologien catholique, H.U. von Balthasar a écrit à propos de l'unité : « Il y a quelqu'un (Dieu) en qui la dispersion apparente de notre existence... est rassemblée et réintégrée dans toute sa déficience, son impuissance et son échec… En lui, tu trouveras ta vie rassemblée dans sa véritable unité, cachée, n'apparaissant jamais sur la terre. Espérance et certitude de trouver, dans l'amas de décombres que constitue finalement toute vie humaine, un édifice habitable. Espérance unique, folle, contraire à toute expérience : notre existence nous sera un jour donnée dans son unité dans laquelle nous reconnaîtrons pour la première fois ce que nous aurions toujours voulu être » (Retour au centre).

Frères et sœurs, nous avons tous une fenêtre en nous, une fenêtre qui donne sur le ciel bleu, sur Dieu. Ouvrons-là grandement pour que l'amour de Dieu, l'Esprit Saint, puisse y entrer et nous unir, et nous unifier aussi.

F. Maximilien