31° Dimanche du TO*C Lc 19, 1-10
Que s'est-il donc passé juste avant la rencontre de Zachée ?
Eh bien, c'était l'entrée de Jésus dans Jéricho, accompagné d'une grande foule.
Et que se passe-t-il après la rencontre de Zachée ?
Une seconde entrée, l'entrée triomphale à Jérusalem.
Tandis que Jésus fait sa première entrée, dans Jéricho, ceux qui sont en avant dans la foule tentent de faire taire un aveugle obstiné qui crie de toutes ses forces : « Fils de David, aie pitié de moi ! ».
Tandis que Jésus entre dans Jérusalem, des Pharisiens dans la foule demandent à Jésus de faire taire tous ses disciples qui acclament le Messie, le Fils de David.
Entre ces deux « entrées », Zachée. Inclusion, comme disent les exégètes. Le sens de cette inclusion dans l'évangile de saint Luc, je le découvre dans la finale de l'épisode de l'entrée à Jérusalem. Jésus pleure sur Jérusalem : « Tu n'as pas reconnu le jour de ta visite, tu n'as pas reconnu le moment où tu fus visitée ».
Tel est le contexte, et plus que le contexte, le déploiement de la visite de Jésus chez Zachée, me semble-t-il : Zachée, lui, a reconnu la visite du Seigneur.
Cette question reste centrale pour nous aujourd'hui : qu'est-ce que c'est qu'une visite du Christ ? Comment reconnaître une visite du Christ ?
Alors regardons comment cela se passe pour Zachée. Je suis parti de l'arbre, parce que cet arbre est l'élément-clé de l'épisode, et les illustrateurs de tous les temps ne s'y sont pas trompés : point de Zachée sans sycomore.
Nous aussi, autrefois, nous sommes montés dans les arbres, il y a quelques lustres, et nous savons ce que veut dire monter dans un arbre. L'arbre, c'est un lieu particulier. C'est un peu la revanche des petits, car les petits, moins lourds, plus agiles, grimpent plus facilement que les grands. Pour l'enfant, l'arbre symbolise, me semble-t-il, deux choses : un lieu pour voir et un lieu pour ne pas être vu. C'est un bon observatoire : on voit de loin, on voit venir, on voit le monde de haut, on domine la situation. Et surtout, on voit sans être vu. L'arbre est un chez-moi tout seul, une cachette, un lieu où je peux cacher mes petits trésors et me cacher.
Or, en passant, Jésus lève les yeux, et il regarde Zachée, par en-dessous. On croit volontiers que Dieu nous regarde par au-dessus, qu'il nous sur-veille ; eh bien le Christ, lui, regarde Zachée par en-dessous ; il laisse à Zachée la position dominante, il s'offre à son regard surplombant.
Je vois là deux traits caractéristiques d'une visite du Christ : le premier, c'est que Jésus sait nous rejoindre jusque dans nos cachettes et surtout dans nos cachettes ; le second : c'est que la visite du Christ nous survient par en-dessous, par un plus humble que nous, un plus pauvre que nous, quelqu'un que jusque-là nous regardions de haut.
Mais voilà maintenant le Visiteur qui parle : « Zachée, vite, descends, aujourd'hui, il me faut demeurer chez toi ! ».
D'abord, « vite ! » ; c'est le premier mot, « hâte-toi ». « Aussitôt, sans délai, sans retard, courir », autant d'expressions de l'Evangile et de la Règle qui nous sont familières, mais pourquoi cette hâte ? Parce qu'elle nous dit une dimension essentielle du salut : la visite du Christ a lieu aujourd'hui, tout de suite. Elle est un présent, une présence, pas un RDV d'agenda.
Ensuite, « descends » ! Pour que la visite du Christ ait vraiment lieu, il me faut descendre, redescendre de ce chez-moi imaginaire : Jésus m'a surpris dans ma cachette, mais là, il me déloge, il veut m'emmener dans un autre chez-moi, mon vrai chez-moi : un lieu ouvert aux autres, aux pauvres, le lieu de la vie partagée, du repas, de la communauté. La visite nous fait tomber de haut, de nos hauteurs solitaires, imaginaires, pour retrouver une communauté réelle, en bas. La visite rendue au solitaire, à l'exclu, au marginal, en fait un frère, une sœur, quelqu'un de la communauté.
La communauté retrouvée est le signe de la visite authentique du Christ.
Dernier point : si Jésus nous visite, nous pouvons nous aussi visiter Jésus : après le partage du dernier repas, Jésus, exclu de la communauté des hommes, monte tout seul sur l'arbre de la Croix : et là il cache sa divinité, il est devenu méconnaissable, Dieu caché. C'est à nous qu'il revient d'aller le regarder en levant les yeux : « ils regarderont vers Celui qu'ils ont transpercé ». Amen !
fr. David