30° Dimanche du TO*C Lc 18, 9-14

« Le Seigneur m'a assisté. Il m'a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l'Evangile s'accomplisse jusqu'au bout et que toutes les nations l'entendent ». Cette parole de Paul, l'apôtre des nations, que nous avons entendue dans la deuxième lecture, est parfaitement appropriée à ce dimanche consacré à la Mission universelle de l'église.

Certains se souviennent sans doute des « journées missionnaires » d'autrefois, quand monsieur le curé faisait venir un missionnaire qui nous parlait de l'œuvre de civilisation et d'éducation qu'il menait dans tel ou tel pays lointain, de l'église et du dispensaire qu'il construisait, qui projetait un film édifiant et qui invitait chacun à être généreux à la quête qui allait suivre, et chacun s'en retournait chez soi avec quelque image pieuse en main et quelque cliché pittoresque en tête.
Mais il y avait aussi des « missions intérieures » : Mission de France, Mission St Pierre-St Paul, jusqu'aux moines missionnaires du P. Muard à la Pierre Qui Vire… et du P. Romain Banquet prêchant une mission à Dourgne, ce qui fut l'occasion de la fondation d'En Calcat.

Passé révolu ? Passé nostalgique ? Non, la Mission est toujours au programme, même si elle a changé de forme et de moyens. Le cri de St Paul retentit toujours : « Malheur à moi si je n'évangélise pas ! » Tel est bien le but de cette année synodale qui n'est pas du nombrilisme ecclésial, un check-up d'ONG, mais la mise en commun de toutes les énergies évangélisatrices.
Mais qu'est-ce que l'évangélisation ? Prêcher la fraternité et l'amour universels ? Certes oui, mais d'autres l'ont fait avant nous et le font encore, aussi bien que nous. Mais à quoi bon cette fraternité si elle n'a d'autre fin que de se diluer dans le néant ? Prêcher un ordre moral, un ordre social ? Mais l'histoire nous apprend que cela dégénère en dictatures. L'épisode de la saint Barthélémy nous a récemment rappelé que nous pouvons tuer au nom de l'évangile quand celui-ci n'est plus qu'un prétexte à maintenir l'ordre social. Fraternité, ordre social, ordre moral, tout cela est important et nécessaire mais n'a rien de spécifiquement chrétien, tout homme le désire et essaye de s'y atteler à sa mesure et selon ses moyens : pas besoin de l'Evangile.

Alors annoncer quoi, prêcher quoi ? « Jésus est ressuscité ! » Fraternité, ordre moral, ordre social, c'est à notre portée. Paix et justice sont l'idéal de toutes les religions et la grâce de Dieu y est à l'œuvre. Mais annoncer « Jésus est ressuscité », c'est annoncer le don gratuit de Dieu, l'inouï, l'inespéré, l'inattendu. « Si tu savais le don de Dieu » dit Jésus à la Samaritaine ! Annoncer la résurrection n'est pas notre œuvre, c'est l'œuvre de l'Esprit de Dieu, de l'Esprit qui a ressuscité Jésus et qui nous transforme, nous fait dès à présent participants de la vie de Jésus. La résurrection de Jésus est une effraction dans la vie, une effraction dans l'histoire, une irruption, une éruption, une infraction ! C'est un bouleversement, un chamboulement, une déflagration ! Plus rien n'est comme avant. Comment, plus rien n'est comme avant ? Mais tout est pareil, rien n'a changé, le monde et la société tournent toujours de travers… Tout est pareil sauf… sauf le cœur qui ne se voit pas ! Le cœur qui est touché par le Ressuscité change complètement le regard. Le monde n'a pas changé mais mon regard sur le monde est complètement transformé, complètement changé ! La Samaritaine en oublie sa cruche et court porter la nouvelle à ses concitoyens : « ne serait-ce pas Lui ? »

Ce changement de regard est capital parce qu'il entraîne un nouveau comportement dans la vie sociale, la vie conjugale, la vie communautaire. Ce nouveau regard ouvre le monde à un autre ordre, et le monde devient plus léger mais aussi plus plein, plus vrai, il trouve sa vraie consistance, sa consistance divine.
Attention, ne faisons pas de l'évangélisation une obligation, un devoir, quelque chose de lourd et de pesant ! L'évangélisation n'est pas une obligation mais une nécessité, la nécessité de la joie. La joie pascale est communicative. C'est ce que notre pape François nous a rappelé dans sa première encyclique « Evangelii gaudium, la Joie de l'Evangile » Laissons-nous entraîner dans la Joie du Ressuscité !

F. Pierre