28° Dimanche du TO*C Lc 17, 11-19

Frères et sœurs, lequel de ces dix lépreux guéris suscite en vous le plus de sympathie : le samaritain qui est revenu vers Jésus pour le remercier de la guérison ou les autres qui ne l'ont pas fait ? Très probablement, nous nous sentons plus proches du samaritain qui exprime sa reconnaissance à Jésus. Il est plus sympathique, plus « chrétien ». Et les autres ? Ingrats, égoïstes, formalistes, ou au mieux oublieux. Pourtant, ils ont accompli ce que Jésus leur a demandé, ni plus ni moins. D'ailleurs, Jésus ne leur a pas demandé de revenir le remercier.

Cette scène nous montre la place de la liberté dans nos relations avec Dieu. Nous pouvons vivre notre foi comme un chemin de perfection, la perfection que nous pouvons attendre grâce à une observance scrupuleuse des commandements et des rituels. Notre idéal, c'est une vie morale, en accord avec les commandements de Dieu. Nous pouvons vivre aussi notre foi comme une action de grâce, comme une gratitude envers Dieu qui nous aime. Nous ne pouvons pas avoir une relation personnelle avec des commandements, mais nous pouvons l'avoir avec Dieu grâce à la prière, une prière de demande et aussi une prière de gratitude. Je ne peux pas remercier un commandement de m'aimer, mais je peux le faire avec Dieu.

Alors, ces neuf lépreux, qui ne sont pas revenus rendre grâce à Jésus, ont-ils eu des cœurs de pierre, étaient-ils des croyants superficiels ? Ce serait très injuste de dire cela. Dans notre vie de foi, nous avons besoin à la fois d'une vie éthique, d'une obéissance aux commandements, et aussi d'une spontanéité, d'une liberté dans notre relation avec Dieu.

Tous les dix hommes guéris ont connu une terrible maladie qui les a marginalisés, mis à l'écart de la société. Ils souffraient dans leur corps, mais aussi dans leur esprit. Ils étaient condamnés à fuir ceux qu'ils croisent en criant « Impur ! Impur ! » pour signaler qu'ils portaient une maladie mortelle contagieuse. Cette maladie les a écartés aussi douloureusement de Dieu parce qu'on leur a dit que c'est Dieu lui-même qui la leur a envoyée comme un châtiment. Comment aimer ce Dieu dont les autres nous disent qu'il nous châtie, qu'il nous condamne ?

Quand nous regardons ces neuf personnes, essayons de ne pas les juger (parce qu'elles sont si ingrates, mal élevées ou immatures). Jésus ne les a pas non plus jugés. Il demande, où sont-ils ? Il cherche à les rejoindre non seulement dans leur souffrance, mais aussi dans leur joie.

Il faut dire que tous les dix ont fait preuve de courage. Ils ont fait preuve d'une très forte détermination : ils ont crié vers Jésus pour qu'il les guérisse. Tous les dix ont été guéris. Cependant, ils n'étaient pas tous au même endroit dans leur intériorité. Dans leur processus spirituel, les neuf n'avaient pas encore atteint une certaine conscience de ce qui s'était passé, grâce à qui ils ont été guéris, pour revenir et rendre grâce à Jésus. Peut-être qu'ils ont estimé qu'ils devaient cette guérison à eux-mêmes, que s'ils étaient restés à la maison, sur un canapé, rien ne serait arrivé. Ils ont fait un effort et ils ont été récompensés. Ils sont dans cet endroit.

Le samaritain qui, lui aussi a fait des efforts, n'est pas au même endroit. Il voit plus loin. Il voit la grâce qui lui a été donnée, la grâce gratuite, qui n'est pas un dû. Il revient vers Jésus et lui rend grâce, sans se dévaloriser, sans amoindrir les efforts qu'il a fait dans ce processus de guérison, sans nier son propre engagement.

Frères et sœurs, la vie spirituelle, comme la vie tout court, a ses étapes. Je ne sais pas sur quelle étape est chacun de nous actuellement. Peut-être à l'étape du samaritain, peut-être à l'étape de neuf autres. Ce qui compte, c'est la perspective : la relation avec Dieu dans la gratitude. Que le Seigneur nous aide à nous réjouir de ce que nous lui devons, car nous sommes ses enfants bien aimés.

fr. Maximilien