18° Dimanche du TO*C Lc 12, 13-21
Les lectures de ce dimanche vont toutes dans le même sens. « Vanité des vanités », nous rappelle l'ecclésiaste. St Paul nous invite à tendre « vers les réalités d'en haut, et non pas vers celles de la terre ». Quant à Jésus, Il nous demande de tout lâcher. Vraiment, il ne nous est pas facile d'accueillir ces lectures. Nous avons tellement besoin d'être sans cesse rassurés ! Nous voulons combler par des richesses, des biens, des apparences de réussite, ou des réussites bien réelles à échelle humaine, nos manques d'amour : l'amour que nous ne savons pas donner, ou, plus souvent encore, semble-t-il, l'amour que nous n'avons pas reçu. Oui, une fois de plus c'est bien de cela dont il s'agit dans les textes de ce 18ème dimanche.
Si nous étions sensés, nous saurions bien que toutes les réalités terrestres ont une fin, la nôtre. Nous n'emporterons rien de tout ce dont nous jouissons aujourd'hui. Le sensé, celui qui ose prendre conscience de cette réalité, s'y arrêter et y réfléchir : doit reconnaitre que vraiment « tout est vanité ».
La pire des réactions serait de fuir en avant : non seulement courir après ces vanités, mais, en plus, y assouvir nos désirs, y trouver du plaisir, en jouir, et en faire le but de notre existence. Que de peurs, de blessures profondes, de déséquilibres, d'obstacles au don de nous-mêmes ! Il faut beaucoup d'indulgence envers celui qui amasse, qui amasse pour lui, qui croit « exister » avec sa réussite : il est très blessé, fragile. Il ne sait pas lâcher, se faire petit, ouvrir les mains, parce qu'il a peur, terriblement peur. Il voudrait être aimé et être aimable. Il ne sait pas, parce qu'on ne le lui a jamais dit, que cela demande, avant tout, d'être ouvert, de lâcher prise !
Ce n'est pas un hasard si Jésus propose cette parabole de l'homme riche, à partir d'une question d'héritage. Moment particulièrement sensible où chaque membre de la fratrie va « mesurer » sa dose d'amour parental à l'aune de ce qu'il reçoit, se voulant, bien sûr, préféré à ses frères. C'est bien là le sens de la question de l'homme à Jésus : « dis à mon frère de partager avec moi notre héritage ». Jésus se récuse : ce n'est pas pour cela qu'il est venu, ce n'est pas de cela qu'il parle. Même si la demande est légitime, pour Jésus, ce n'est pas le bon angle d'approche. Voilà pourquoi, il enchaîne : « Gardez-vous bien de toute âpreté au gain ; car la vie d'un homme, fût-il dans l'abondance, ne dépend pas de ses richesses. » Le véritable ennemi de l'homme est là : le culte rendu aux idoles, la fausse sécurité qui empêche la naissance de l'homme nouveau.
Le bon angle d'approche pour Jésus, c'est de choisir la Vie : chercher à être riche pour Dieu d'abord, pas pour soi-même ! C'est Lui qui redemande la vie qu'Il a donnée. Elle n'est pas donnée en vue des réalités terrestres. Ce n'est pas du tout le but. Une pareille disposition ne peut que conduire au désespoir. Saint Paul est très clair et explicite : « il n'y a que le Christ : en tous, il est tout. » C'est tout simple !
Alors, pour oser lâcher, pour oser risquer, il nous faut exposer nos blessures d'amour et choisir le bon refuge. De toutes nos peurs, de toutes nos misères, de toutes nos petitesses, Jésus peut nous guérir et nous refaire toujours neufs, à son image ! Voilà, me semble-t-il, ce que Jésus veut nous dire, ce matin encore. A partir de là, en sachant que tout ce que nous faisons, tout ce que nous tentons de réaliser, tout ce que nous construisons, se fait dans l'amour de Jésus, il n'y a plus de risque de se laisser abuser par les éventuelles richesses que nous pourrions amasser. Elles ne sont pas mauvaises en soi ; elles le deviennent lorsque nous les mettons à la place de Dieu. Mais si nous n'avons pas laissé vide cette place, si Dieu y est bien solidement installé, alors les réalités terrestres resteront ce qu'elles sont. Dès lors, elles peuvent être fort utiles à nos frères.
Enfin, en recevant cette page d'évangile, comme nous avons essayé de le faire, ce matin, il devient évident aussi qu'il ne faut pas chercher dans la Bonne Nouvelle apportée par Jésus une apologie de la paresse ou du laisser aller !
P. Jean-Marie