Messe du jour de Pâques (B) Jn 20, 1-9
Simon-Pierre aperçoit les linges, posés à plat, et un suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à sa place. Frères et sœurs, ces bandelettes et ce linceul ne vous font-ils pas penser à une chrysalide abandonnée ? Le mandilion, le suaire de Jésus, est en quelque sorte le témoignage d'une transformation qui s'est opérée entre son corps terrestre et son corps céleste de Ressuscité. De la chenille au papillon, il y a plusieurs stades de croissance. Quand la chenille se débarrasse de sa dernière peau, elle laisse alors apparaître la chrysalide qui sera pour elle une solide protection. Le Christ a vécu plusieurs fois la Passion avant de mourir. À Gethsémani, il a souffert de l'angoisse, et durant son existence, il a dû vivre plusieurs renoncements, plusieurs morts. Nous aussi, nous passons par ces stades de croissance qui engendrent des deuils, avant de vivre le vrai Passage vers la Vie.
Frères et sœurs, avouons-le simplement, nous ne comprenons rien à la Résurrection ! Il vaut mieux en parler par des métaphores, des symboles, pour ne pas partir dans le décor. Peut-être avez-vous remarqué que Pâques arrive pendant la saison du printemps, et ce n'est pas un hasard. Cette période de l'année nous montre comment les arbres reprennent leurs feuilles et leurs couleurs, les animaux sortent de leur période d'hibernation... La transformation de la chenille au papillon n'est qu'un exemple parmi d'autres de mutations qui existent dans la nature, et qui nous montrent que la vie surgit toujours de la mort.
Lorsqu'un arbre meurt, par exemple, il continue de jouer un rôle vital dans l'écosystème. Son bois se décompose lentement, et donne des nutriments qui sont essentiels au sol, permettant d'abriter de nombreux organismes. Il laisse derrière lui des graines, prêtes à germer et à donne naissance à une nouvelle génération d'arbres. Jésus, lui aussi, par l'arbre de sa Croix, a laissé un témoignage, un mémorial à ses disciples. Par sa mort, il nous a donné la Vie en plénitude, en abondance. Les graines de Jésus, ce sont les apôtres, qui nous ont transmis le témoignage de la Résurrection, mais c'est d'abord une femme, Marie-Madeleine, qui voit que la pierre a été enlevée du tombeau, et elle en avertit les autres disciples.
Dans l'évangile que nous avons entendu, on voit bien que tout se joue dans les interactions. Jésus nous a demandé de nous aimer « les uns les autres », mais c'est aussi « les uns aux autres » que nous nous annonçons sa Résurrection. L'un dit : « Christ est ressuscité ! », et l'autre croyant répond : « Oui, il est vraiment ressuscité ! ». Comme je vous le disais à l'instant, la vie a besoin de se transmettre, de se diffuser. Cela fait partie de sa nature. Il en est de même pour la foi, qui a besoin de se dire, de se montrer. Notre religion chrétienne ne peut pas rester cantonnée dans les sacristies ! Pour nous, les croyants, la laïcité n'est acceptable que dans un dialogue, et ne peut pas être synonyme d'athéisme. Sinon, nous serions condamnés à vivre dans l'ombre, dans le repli du tombeau. Il nous faut sortir, et annoncer la Résurrection du Christ d'une manière ou d'une autre. Cela ne signifie pas qu'il faille faire du prosélytisme, mais d'être simplement qui nous sommes, sans avoir honte ni peur d'être des témoins du Christ qui nous a aimé jusqu'au bout.
« Désormais tout est plein de lumière, le ciel, la terre et même l'enfer » dit la liturgie byzantine. La Vie nous éblouit, et ses éclats sont multiples. Elle se répandra en plusieurs langues de feu, à la Pentecôte. L'amour du Christ est sans limites, et l'annonce de sa Résurrection doit l'être aussi, pour que tous les hommes puissent avoir accès à cette Vie qui est en eux, mais qu'ils ne voient peut-être plus. Comme les disciples d'Emmaüs, nous sommes aveugles de cette Vie qui est en nous. Nous avons besoin d'un témoin qui, comme le Christ, vient révéler de quel amour nous sommes aimés, chacun personnellement. La Résurrection n'est pas la réanimation d'un cadavre, c'est plutôt le bouleversement provoqué par la Vie quand elle se diffuse et se communique. Et cela est visible partout.
Oui, le miracle de la Résurrection est autour de nous, quand nous voulons bien ouvrir les yeux et cesser de pleurer, comme Marie-Madeleine. Une voix nous appelle par notre nom, et nous reprenons Vie. Cette voix est bien-sûr celle du Christ qui nous demande : « Pourquoi pleures-tu ? ». Il nous dit qu'il est vivant, et que nous n'avons plus de raisons d'avoir peur. Il est celui qui « entretient » en nous la Vie, comme un jardinier qui prend soin de sa création, de sa créature. Jésus organise la Vie dans le jardin de notre cœur. En séparant les éléments, il ordonne toutes choses, en les faisant passer des ténèbres à la lumière. Et Dieu dit : « Que la Lumière soit ! », et la Lumière fut. Jour Un (Gn 1,1). Jour de la Résurrection et du Salut. Voici le Jour que fit le Seigneur : jour d'allégresse et jour de joie (…) Louange au Seigneur, il est bon, éternel est son amour (Ps 117).
Alléluia !
F. Columba