3° Dimanche de Pâques (B) Lc 24, 35-48
Chers amis qui sommes réunis aujourd'hui pour inviter Jésus ressuscité à venir partager notre repas, bienvenue. Mais vous allez tout de suite objecter que c'est Jésus qui nous invite et non pas nous qui l'invitons…
Alors… relisons bien nos évangiles. Bien souvent nous voyons Jésus à table : chez Pierre, chez Marthe et Marie, à Cana, avec les pécheurs et les publicains aussi bien que chez Simon le pharisien, à Emmaüs et aujourd'hui, dans l'évangile de Jean, il demande « avez-vous ici quelque chose à manger ? » Dans le même évangile, avant la multiplication des pains, Jésus avait posé la même question à ses disciples. Avons-nous remarqué que, dans presque tous les cas, Jésus est invité ou bien il s'invite lui-même comme chez Zachée qui descend de son arbre à toute vitesse. Il n'y a qu'un seul épisode où Jésus lui-même invite : au bord du lac après sa résurrection et la pêche inespérée de Pierre et de ses compagnons. Et n'oublions pas la Samaritaine à qui il demande à boire alors que ses disciples se demandent « quelqu'un lui aurait-il apporté à manger » !
Nous sommes tellement habitués, pour ne pas dire « programmés » à décortiquer les paraboles et les miracles de Jésus, que nous ne faisons presque plus attention à ses gestes les plus simples. Quoi de plus banal que l'action de manger. Etonnamment c'est le plus spirituel et le plus mystique des évangélistes, saint Jean, qui met le plus en valeur ces repas de Jésus : il commence par Cana où Jésus est invité, ce qu'il appelle le premier « signe » de Jésus – ensuite l'invitation à Béthanie, le dernier repas avec ses amis et, en finale, le repas au bord du lac. C'est Jean l'évangéliste qui insiste le plus sur nos nécessités corporelles.
Cela veut dire que notre foi n'est pas d'abord compréhension intellectuelle ni adhésion émotionnelle, elle est éminemment corporelle, « charnelle » nous dit Péguy. Notre foi n'est pas une croyance, c'est – dès à présent – la résurrection de nos corps. Saint Paul l'affirme avec force : « nous sommes ressuscités avec Jésus et nous vivons une vie nouvelle avec lui ». Tous nos actes les plus banals sont en quelque sorte divinisés. « Vous avez été rachetés à grand prix, glorifiez donc Dieu dans votre corps ! » s'écrie saint Paul.
Qu'est-ce donc que l'incarnation sinon Dieu qui s'invite à notre table, ce qu'il fait avec discrétion et humilité. Dieu ne s'impose pas, il se propose, il se laisse inviter. Si nous l'invitons, il vient et il partage avec nous ce que nous avons préparé qui n'est parfois qu'un pain de pauvreté, une pauvre hostie qu'il enrichit de sa joie. A quoi reconnaissons que notre ami est là ? A notre joie !
« Voici, je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu'un m'ouvre, j'entrerai chez lui et je prendrai le repas avec lui et lui avec moi » écrit l'apôtre aux chrétiens de Laodicée. Il y a deux manières d'accueillir un ami que nous aimons beaucoup : ou bien en mettant les petits plats dans les grands comme Marthe, ou bien dans la plus grande simplicité, comme Marie, la sœur de Marthe, aux pieds de Jésus. Ce sont d'une part les dimanches ordinaires et d'autre part les solennités. Et quand l'ami est là, qu'avons-nous besoin de plus que sa présence réelle ?
C'est ce que nous essayons de faire, dimanche après dimanche, solennité après solennité. Jésus s'invite à la table que nous lui avons préparée et nous sommes tout oreille pour l'écouter et nous réjouir des nouvelles qu'il nous donne. Jésus nous a même dit comment nous pouvons être sûrs que c'est lui qui s'invite et que nous accueillons : « J'avais faim et vous m'avez donné à manger… ce que vous avez fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait »
Accueillons donc aujourd'hui Jésus et partageons ce repas avec lui. Chacun de nous sera alors en communion avec lui et, par lui, se réalisera la communion de toute l'église des vivants et des morts, prémices palpable de la résurrection totale et définitive.
Et j'ose terminer en reprenant l'expression familière de notre pape François chaque dimanche à l'Angélus : « Buon pranzo, bon repas… eucharistique avec Jésus ! »
Fr. Pierre