13° Dimanche du TO*B Mc 5, 21-43

Frères et sœurs, il y a un mot dans cet évangile, un mot clé, qui pourtant n'apparaît pas dans notre traduction. Ce mot se dit en grec ancien : μάστιγος (mastigos). Il veut dire : un fouet. De fait, aussi bien Jaïre que la femme qui perd le sang, sont fouettés. Par qui ? Par quoi ?

Jaïre, chef d'une synagogue, souffre car sa fille est mourante. Il demande de l'aide à Jésus. Ils se déplacent, sans précipitation. Et là, il est frappé de plein fouet par la nouvelle que lui apportent les gens de sa maison : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? » À quoi bon… Il n'y a plus d'espoir.

Le fouet de la femme qui souffre d'une hémorragie chronique, c'est son impureté. La Loi de Moïse (Lv 15,19s) lui interdit tout contact humain : tout ce qu'elle touche devient impur. Elle est exclue de toute vie sociale. Elle est même interdite d'accès au Temple (Lv 15,31), ce qui l'isole dans sa vie religieuse.

 Les fouets de la vie que reçoivent Jaïre et la femme sans nom, ne les empêchent pas d'avoir une vie spirituelle, d'avoir la foi. Tous les deux sont guidés par l'Esprit Saint dans leurs démarches. Cela est très visible dans la démarche de la femme.

Jusqu'à présent, elle n'a jamais vu ni rencontré Jésus. Elle a entendu des rumeurs sur lui. Nous ne savons pas ce qu'elle a entendu, de qui et comment, car le texte grec nous dit seulement qu'elle « a entendu les… sur Jésus » (5,27). « Les » quoi ? L'évangéliste n'a pas trouvé des mots pour décrire ce que la femme a entendu. C'est peut-être parce que c'était quelque chose d'indicible, quelque chose qui concernait Dieu, qui relevait de Dieu indicible. Cette femme a eu une expérience intérieure de Dieu qui n'est pas traduisible en mots. Elle a pu se produire à partir des rumeurs sur Jésus qu'elle a entendues. C'est l'Esprit Saint qui s'est glissé dans ces rumeurs indicibles et a donné la foi à cette femme, la foi qui la poussait à agir, à vouloir toucher Jésus et être libérée de son fouet. À la fin, Jésus dit clairement : « Ta foi t'a sauvée ». Comme cette femme, nous aussi, nous croyons par ouï-dire, à partir des « rumeurs » sur Jésus, à partir de ce qui nous a été dit sur lui, dicible ou indicible.

Cette femme, considérée comme impure, va oser s'approcher de Jésus et le toucher. Par sa foi, elle sait que par son geste, elle ne va pas profaner la divinité de Jésus, qu'elle ne va pas souiller sa personne, mais qu'au contraire, elle sera purifiée par celui qui seul est Pur. Dans la Bible aussi bien l'impureté que la sainteté se transmettent par le contact. C'est une bonne nouvelle pour nous : nos péchés, nos imperfections dans la vie morale, spirituelle ou liturgique, n'ont pas le pouvoir de profaner Dieu, de l'offenser. Dieu n'est pas « profanable ». Il transmet la pureté, la sainteté.

Dans la foule, la femme voit Jésus de dos, comme Élie ou Moïse qui ont vu le Seigneur de dos. Elle s'approche par-derrière et touche le vêtement de Jésus et « à l'instant, l'hémorragie s'arrêta, et elle ressentit dans son corps qu'elle était guérie de son mal. » Et plus exactement, elle était guérie de son « mastigos », de son fouet ! Quels sont les fouets desquels nous voudrions nous débarrasser ? Une maladie, une mauvaise habitude, un critique intérieur, des tentations, des blessures intérieures, des regrets, des mauvais souvenirs, etc. ?

Contrairement à la foule qui écrasait Jésus, elle, elle l'a touché. Comme Eve dans le jardin d'Eden, elle a cueilli un fruit, sauf qu'ici ce n'est pas l'arbre de la connaissance du bien et du mal, mais l'arbre de vie. Elle qui perdait le sang, symbole de la vie, elle cueille la Vie.

Jésus lui dit : « Ma fille, ta foi t'a sauvée ». « Ma fille ». Il n'y a pas de jugement dans ses paroles. C'est la tendresse et l'amour paternel. Jésus transmet l'amour du Père a cette femme animée par l'Esprit Saint. Toute la Trinité est à l'œuvre dans sa vie. Nous aussi, nous sommes invités à nous ouvrir à cette expérience trinitaire, à contempler l'amour inconditionnel de Dieu pour nous.

Bien que guérie de son mal, libérée de son fouet, la femme reste fragile et inquiète. Jésus lui dit : « Va en paix et sois guérie de ton mal. » (littéralement : « sois saine de ton fouet »). La tentation de revenir à la non-vie, à ce qui n'est pas saine pour nous, peut toujours nous saisir. Jésus nous met en garde. Comme pour la fille de Jaïre, il nous dit de nous nourrir de ce qui donne la vie : la beauté, la vérité, la bonté. Tout cela, nous le trouvons en lui, l'arbre de Vie. Pour cela, il suffit de nous approcher de lui. Pas la peine de nous fouetter.

fr. Maximilien