29° Dimanche du TO*A Mt 22, 15-21

« Rendez à César, ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ! » et voilà que nous applaudissons ! Et toc ! il a bien répondu ! Il les a bien eus les scribes et les pharisiens qui voulaient le coincer ! Et nous restons là, au bord de l'arène, à compter les points entre Jésus et ses adversaires. C'est vrai, nous sommes de très bons arbitres (meilleurs que ceux de France/et nous distribuons généreusement blâmes et récompenses jusqu'à ce qu'un petit Jésus haut comme trois pommes, nous tire par la manche, nous regarde avec un petit air et nous interpelle : « Pourquoi fais-tu ça alors que tout à l'heure tu nous as dit le contraire… ? » Il y a donc ce que Jésus dit aux scribes, Pharisiens et Docteurs de la Loi, et il y a ce que Jésus nous dit !!!

Un tableau du Caravage à l'église Saint Louis de Français à Rome, le célèbre « Appel de Matthieu » illustre parfaitement l'échange de Jésus avec ses contradicteurs. Nous y voyons en effet un Matthieu encore un peu coincé entre César et Dieu. Il a bien le regard tourné vers Jésus qui lui fait signe impérativement, mais une main sur sa poitrine dit son étonnement et son interrogation, tandis que l'autre main est encore sur la table au milieu de pièces d'argent de l'impôt dû à César. Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu, Le Caravage a bien dépeint le combat intérieur de Matthieu en cet instant de l'appel.

Sortons de nos poches la monnaie de César et laissons-nous interroger par Jésus comme Matthieu !

- Commençons par ce qui est apparemment le plus simple : « Rendez à César ce qui est à César ! » Qui de nous ne cherche pas à ruser avec l'Etat, notre bonne et généreuse République et son Fisc bien-aimé ? Nous disons bien « Fisc » et non pas « Fils » parce que je ne sais pas si on peut dire que la République aime ses fils… Sans parler d'impôts et de taxes, ne cultivons-nous pas l'art de l'esquive quand il s'agit de « rendre » service dans notre communauté de vie ? Parce qu'il s'agit bien de « rendre » ce qui est dû à nos compagnons de vie grâce à qui nous pouvons vivre. Le « Rendez à César » est une évidence qui n'a donc rien d'évident dans la pratique. C'est bien ce que saint Paul nous demande dans sa lettre aux Romains : « Rendez à chacun ce qui lui est dû : à celui-ci l'impôt, à un autre la taxe, à celui-ci le respect, à un autre l'honneur »

Avant d'aborder le deuxième volet de la réponse de Jésus à ses contradicteurs « rendez à Dieu ce qui est à Dieu », regardons Jésus lui-même et voyons si Jésus lui-même n'est pas la première réponse… Nous voyons en effet Jésus s'acquitter avec Pierre de l'impôt du Temple alors même qu'il déclare ne pas y être soumis et qu'il n'a pas en poche de quoi l'acquitter ! Quant à l'honneur dû aux autres, nous le voyons laver les pieds de ses disciples. Mais aussi et surtout, nous le voyons tout entier donné à son Père du début (rappelons-nous sa réponse à ses parents qui le retrouvent assis au milieu des docteurs) jusqu'à la fin « Entre tes mains, je remets mon esprit ». Ainsi, Jésus est l'illustration vivante de sa Parole, son être et sa vie sont eux-mêmes Parole avant même de se traduire par des mots.

- Venons-en à « rendez à Dieu ce qui est à Dieu » Pour chacun de nous c'est encore bien moins évident que de rendre à César ce qui est à César ! « Dieu n'en demande pas tant ! » disons-nous en sourdine ! Une messe de temps en temps le dimanche, pas de trop gros écarts avec une conduite normale, et basta ! Et après cela, nous nous étonnons d'être tristes et de nous traîner ! La joie parfaite, c'est de pouvoir tout donner et de pouvoir renouveler indéfiniment ce don total. Qu'avons-nous que nous n'ayons reçu ? Voic une petite histoire que nous raconta dom Gabriel Braso, abbé président de notre congrégation à l'occasion du centenaire de St Benoît, pour expliquer aux fidèles ce qu'est le don de la vie religieuse. Une maman qui aimait son grand garçon lui donnait chaque jour à son retour de l'école, un délicieux caramel Un jour, cependant, après avoir donné le caramel à son enfant, elle lui demande : « veux-tu donner ton caramel à ta maman ? » la maman faisant ainsi comprendre à son enfant que son amour est encore plus grand que le don. Ainsi du don de soi-même à Dieu. Ainsi nous ne faisons que donner à Dieu ce qu'il nous a donné.

C'est ce que dit saint Paul : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu »

Entrons maintenant dans cet « admirable échange » qu'est l'eucharistie.

Fr. Pierre