26° Dimanche du TO*A Mt 21, 28-32

Frères et sœurs, nous voici encore au beau milieu de la vigne, pour trois dimanches de suite. Mis à part pour ceux qui sont du métier, et qui viennent de terminer les vendanges, il est vrai que cette image de la vigne ne nous est plus très familière. Elle dit pourtant beaucoup de choses, si on sait écouter le sens profond des paraboles, qui nous parlent en énigmes. Essayons-donc de creuser celle que nous venons d'entendre à l'instant.   

La vigne exprime à la fois ce qu'est l'humanité, et aussi chacun de nous pris individuellement. Elle renvoie au peuple bien-aimé de Dieu qui doit être travaillé et irrigué, afin de donner le meilleur de lui-même. Car Dieu a besoin de nous, et il nous demande de l'aide pour faire grandir l'humanité, et pour lui donner de porter du fruit, comme une vigne. Alors, qu'allons-nous répondre : « Oui », ou « non » ? Et allons-nous vraiment le faire, oui ou non ? Dieu s'y prend avec nous comme une mère qui dirait à son enfant : « Est-ce que tu veux bien m'aider à faire le gâteau que tu mangeras demain ? ». En fait, si nous sommes la vigne de Dieu, et que Dieu nous demande d'y aller, cela veut dire qu'il nous demande de travailler pour nous-mêmes, en quelque sorte, et pour notre bonheur à venir.

Dans cette parabole, il y a deux fils (comme dans celle du « fils prodigue », qui est plus connue). Les Pères de l'Église ont vu dans le premier le peuple des Païens - qui dit « non » car il préfère vivre dans l'idolâtrie, mais finalement se repent et obéit quand même – et dans le deuxième le peuple Juif – qui dit « oui » aux commandements de Dieu, mais finalement n'obéit pas. C'est une interprétation assez réductrice, car si on lit bien le texte, Jésus s'adresse surtout aux grands-prêtres et aux anciens du peuple, et non à l'ensemble du peuple. Il le fait pour mettre en contraste leur comportement religieux, et de l'autre côté celui des publicains et des prostituées. Les uns se croient justes, alors qu'ils ne mettent pas la Loi en pratique ; et les autres se moquent de Dieu en menant une vie de pécheurs, mais ils changent finalement de vie et se convertissent. Cela nous montre que les choses ne sont pas si simples. Jésus nous oblige à sortir d'une logique binaire qui voit la réalité en noir et blanc, et qui juge en regardant seulement les apparences. Derrière chaque situation, il y a de l'ambivalence, de la complexité. Le juste peut devenir injuste, et le pécheur peut être finalement sauvé. Rien n'est acquis une fois pour toutes. On ne peut pas se reposer sur ses lauriers. C'est ce que veut souligner le prophète Ézéchiel : « Si le juste se détourne de sa justice, commet le mal, et meurt dans cet état, c'est à cause de son mal qu'il mourra. Si le méchant se détourne de sa méchanceté pour pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie ».

En définitive, on peut dire que cette parabole nous concerne tous. En effet, nous aussi, nous pouvons croire que nous sommes sauvés, parce que notre « oui » a été sincère au début. Mais les actes ne suivent pas toujours. Il ne suffit pas de dire « Seigneur, Seigneur », pour entrer dans le Royaume, dit Jésus, mais il faut faire la volonté du Père. Cela pose la question de la fidélité, et donc de la foi profonde. Ce qui est constant en nous, malheureusement, ce n'est pas notre fidélité, mais notre infidélité dans laquelle nous retombons toujours. Notre « oui » est comme la rosée du matin qui s'évapore aussitôt le soleil levé. Notre engagement est souvent éphémère, et nous passons rapidement à autre chose. Nous avons du mal à être endurants comme un coureur de fond, et à garder notre flamme allumée. Nous sommes les hommes et les femmes d'un moment, et nous nous essoufflons. Au contraire, la foi suppose un « oui » répété et renouvelé chaque jour. Faire la volonté de Dieu, comme Jésus l'a vécu, ce n'est pas juste une idée ou un projet sympa, mais c'est quelque chose de concret qui se vérifie dans l'âpreté du quotidien, dans la routine de la vie. Nous confondons souvent la pensée d'une chose avec sa réalité. Or, la vie chrétienne est en actes, et elle se vérifie par les œuvres. Peu importe, alors, que nous disions « non » au début, et que nous soyons des pécheurs, comme les publicains et les prostituées. L'important, c'est de rebondir, de ne pas demeurer dans cet état, mais de changer notre vie en la tournant vers Dieu. Que l'on soit juste ou injuste, il s'agit de rester en marche et ne pas s'arrêter à un constat d'échec ou de réussite. Il faut toujours avancer, être orientés vers le Christ qui nous appelle à sa suite… Terminons par cette belle citation de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, qui consonne avec notre évangile : « Oui je le sens, quand même j'aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j'irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l'enfant prodigue qui revient à lui ». Amen.

Fr. Columba