13° Dimanche du TO*A Mt 10, 37-42
Frères et sœurs, pour vivre, nous avons tous besoin de boire de l'eau. La plupart du temps, il suffit d'ouvrir un robinet et de boire de l'eau qui coule. Nous savons que ce n'est pas le robinet qui produit de l'eau, mais qu'elle vient d'une source. Le robinet est important car il nous facilite l'accès à l'eau, mais sans une source d'eau, il n'a pas beaucoup d'utilité. C'est la source qui est plus importante que le robinet.
Dans l'évangile d'aujourd'hui, Jésus nous dit : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi. » On pourrait dire : « celui qui apprécie le robinet plus que la source d'eau, se trompe, tombe en idolâtrie ». Autrement dit, c'est Dieu qui est la source de tout amour, c'est lui qui est Amour même. L'amour que nous recevons des autres (parents, enfants, conjoints, amis) ou que nous leur donnons, est un amour puisé dans l'amour de Dieu, comme cette eau du robinet est reliée à une source. Cela ne veut pas dire que notre amour pour l'autre, que nos relations avec ceux que nous aimons, que nos proches, n'ont pas de valeur. C'est précisément dans ces relations que se « matérialise » en quelque sorte notre participation à l'amour trinitaire. Chaque relation d'amour authentique est un don de Dieu, chaque relation d'amour vrai est une image de l'amour divin, trinitaire, de l'amour du Père, du Fils et de l'Esprit Saint. Chaque relation d'amour est une visitation de Dieu dans notre vie.
Une relation d'amour ne se réduit pas à une relation amoureuse, avec des émotions fortes et agréables, des palpitements dans le cœur, des papillons dans le ventre. Accueillir l'autre, lui donner « à boire, même un simple verre d'eau fraîche », comme dit Jésus, est déjà un geste d'amour qui reflète l'amour trinitaire. La rencontre du prophète Élisée avec la femme de Sunam, une étrangère, leur attention réciproque, leur hospitalité, sont une forme d'amour, d'amour-agapè. C'est dans leurs partages, à travers leur amitié, que Dieu agit, qu'il irrigue leurs vies et les rend fécondes. Leur relation est comme un robinet qui permet à l'amour et à la vie divine de couler, d'irriguer leurs vies et les rendre fécondes.
Quand Jésus demande de l'aimer plus que les autres, il ne cherche pas à opposer l'amour de Dieu à l'amour du prochain, de mettre en rivalité ces deux amours, car ils ont la même source. Mais il les hiérarchise. À un autre endroit de l'évangile, il rappelle 2 commandements d'amour : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée (…) Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Et pas à l'inverse. Il ne faut pas se tromper de Dieu.
Mettre le Christ à la première place dans nos vies, c'est lui faire confiance, c'est abandonner une image de Dieu hostile, sévère, méchant, qui nous fait peur. Alors, nous pouvons, peu à peu, lui donner cette première place. Nous pouvons faire ce que la femme de Sunam a fait pour Élisée : lui dédier dans notre cœur une petite chambre, « avec un lit, une table, un siège et une lampe », pour qu'il puisse y demeurer. Lui préparer un lit, c'est l'inviter dans notre intimité, dans ce lieu où nous sommes seuls ou avec quelqu'un que nous aimons, dans un lieu très personnel, avec ses secrets, avec nos « échardes » (comme dit S. Paul), avec ce que nous ne révélons qu'au plus proches ou même à personne. Lui préparer une table et un siège, c'est l'inviter dans nos relations, dans nos lieux de partages, dans nos amitiés et nos inimitiés, dans les relations d'amour et les relations difficiles, avec leurs joies et leurs croix. Lui préparer une lampe enfin, c'est l'inviter dans nos recherches intellectuelles et spirituelles, dans notre discernement, dans nos recherches de vérité, d'un sens à notre vie et à ce monde, à notre histoire.
Aimer le Christ plus que tout, c'est ne pas avoir honte de ce que nous sommes, c'est aussi ne pas avoir honte de nos croix, de nos misères, de nos souffrances, de nos manques. Jésus dit : « celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n'est pas digne de moi ». Jésus nous invite non seulement à le suivre, mais le suivre en portant notre croix. Il y a quelques jours, j'ai parlé avec quelqu'un et il m'a dit : « Nous ne serons jamais aimés comme nous devrions être aimés ». Oui, c'est vrai. Il y a presque toujours une faille, un espace vide dans l'amour, y compris dans notre ressenti de l'amour de Dieu pour nous et du nôtre pour lui. C'est un espace à la fois de liberté et de manque, d'insatisfaction, de croix.
Frères et sœurs, que le Seigneur, source et sommet de la vie, irrigue nos existences et nos amours, pour que même nos croix deviennent des arbres de vie, comme celui du Christ, pour que nous devenions féconds, pour que son amour habite en nous, dans ce que nous sommes au plus intime, au plus profond de nous. Amen.
fr. Maximilien