Résurrection du Seigneur Jn 20, 1-9

Frères et sœurs, je vous disais cette nuit qu'il nous fallait du temps pour croire, pour apercevoir de loin l'Homme nouveau qu'est Jésus ressuscité, lui qui s'approche de nous, imperceptiblement, depuis l'autre rive. Pour cela, nous devons être attentifs aux signes de la Vie qui émergent à partir du néant et du vide, comme du sein maternel. A la Résurrection, hommes et femmes sont convoqués. Et les femmes sont toujours les premières, en avance, parce que leur désir de Dieu est plus grand. C'est le cas, surtout, pour Marie-Madeleine, qui aimait Jésus d'un amour fou et passionné, car celui-ci l'avait sauvée de ses démons. Les démons, justement, parlons-en. Ils aiment à souligner que le monde n'est que néant, qu'il n'y a que mort et souffrance. Dieu ne peut rien faire, il est impuissant contre le Mal. Tout est noir, obscure, et il n'y a pas d'avenir possible, pas d'issue à ce tunnel. Il suffit de regarder les images de la guerre à la télévision pour désespérer de la vie et des hommes. Et pourtant, si nous considérions autrement ce néant, ce vide du tombeau, nous découvririons qu'il est le signe, précisément, de la Résurrection du Christ. Il en est le prélude, comme le chaos et le vide sont les prémices de la création du monde. La terre était informe et vide, et la ténèbre à la surface de l'abîme ; le souffle de Dieu planait à la surface des eaux. Et Dieu dit : « Que la lumière soit ! ». Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara la lumière de la ténèbre (Gn 1,2-3).

Frères et sœurs, si Dieu s'est servi du chaos pour créer, alors nous, que faisons-nous de nos vides mortels, de nos abîmes de souffrances, de nos désespoirs ? Et si nous laissions Dieu les prendre dans ses mains, comme de l'argile ? Il les pétrit pour créer du nouveau, de la lumière. Bien sûr l'argile, comme la souffrance, est informe, molle et salissante. On s'en met plein partout. Plus on essaie de l'enlever en s'essuyant, en voulant rejeter la souffrance de nos vies, plus on aggrave les choses. Mais si nous laissions Dieu s'en charger, et prendre sur lui notre misère, une bonne fois pour toutes ? Jésus n'a pas quitté le tombeau pour que nous y prenions sa place et que nous nous enfermions dedans ! Avec lui, il nous faut regarder ailleurs que dans ce trou béant, et tourner nos yeux résolument vers la Vie.

Dans l'icône de la Résurrection, Jésus est représenté surgissant des enfers ; il saisit Adam et Eve par la main, et les entraîne avec lui, ainsi que toute l'humanité issue du couple originel. Sur cette icône, on aperçoit les tenailles et les hachettes qui ont servi à ouvrir les cercueils, et effectivement, le Christ est le seul qui soit vraiment outillé pour le faire. Il est l'unique Sauveur. S'il n'était pas venu jusqu'au séjour des morts, nous ne serions pas ressuscités avec lui. Tous les clous qui le retenaient sur la croix, toutes nos chaînes et nos verrous qui nous emprisonnent dans la mort ont été enlevés. Jésus le charpentier, qui a été habitué à manier les outils pour travailler le bois, est aussi celui qui déconstruit, qui libère, pour créer du nouveau. Sa Résurrection fait une œuvre nouvelle à partir de ce qui est mort, ancien, périmé. Saint Paul, dans l'épître aux Corinthiens, nous dit un peu cela en prenant l'image du levain dans la pâte. Nous qui croyons dans le Christ, nous sommes une pâte nouvelle, le pain de la pâque qui n'a pas levé. Il ne faut pas que nous laissions le levain du péché et de la mort reprendre le dessus dans notre vie, et faire gonfler cette pâte. Le mal s'apparente à des métastases dans un corps, à une boursoufflure, une excroissance qu'il faut couper à la racine, et seul Jésus peut le faire.

Dans l'évangile d'aujourd'hui, Marie et les disciples courent dans tous les sens pour se prévenir les uns les autres que le tombeau est vide. Quelque chose est en train de se passer. Ils n'ont pas encore vu Jésus, mais ils se doutent que c'est très important. Même si le disciple bien-aimé a couru plus vite, arrivé en tête, c'est pourtant Pierre qui entre le premier dans le tombeau. Il observe le suaire et les linges posés. Mais il ne croit pas pour autant. Par contre, l'autre disciple entre, lui aussi. Et on dit simplement qu'il voit et qu'il croit. Qu'a-t-il vu ? Sûrement la même réalité que Pierre, mais d'une autre manière, avec un autre regard, celui de la foi. Nous aussi, nous devons considérer les signes de la mort que sont les linges et le suaire avec le regard de celui qui aime, comme le disciple bien-aimé. C'est l'amour qui nous fait croire. Dieu a envoyé son Fils dans le monde pour nous sauver et nous montrer à quel point il nous aime, jusqu'à mourir sur une croix. Comme les disciples, appuyons-nous sur cette vérité de la foi qu'est l'amour, pour changer notre regard sur le monde, sur nous-mêmes, sur Dieu. Ne pleurons plus, Jésus est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! Amen.

Fr. Columba