Assomption de la Vierge Marie Lc 1,39-56

Frères et sœurs, à première vue, la Vierge Marie ne fait pas le poids par rapport au grand Dragon de l'Apocalypse. C'est un combat qui paraît perdu d'avance, avec un « poids plume » contre un « poids lourd » ! Ce n'est pas du tout équitable, et cela nous rappelle le fameux combat de David contre Goliath, dans le livre de Samuel. Nous savons pourtant que le frêle gamin a gagné contre le géant, juste avec sa petite fronde et une pierre qu'il a réussi à lui tirer entre les deux yeux, le faisant tomber raide mort. Il ne faut donc pas se fier aux apparences. Marie écrase la tête du Serpent des origines. Dieu gagne toujours par l'humilité, il déploie la force de son bras, dispersant les superbes, renversant les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.

Dans son Magnificat, Marie rend grâce à Dieu pour cette victoire. Elle chante les merveilles de celui qui accomplit ainsi toute chose, en se servant de ce qui est faible et fragile. Il s'est penché sur son humble servante. Le pouvoir de la Sainte Vierge lui vient de son Fils qui est dans ses bras et qui accomplit toute chose en tant que Fils de Dieu. C'est cet enfant qui lui donne la force de lutter contre le mal. Encore aujourd'hui, des femmes trouvent le courage de se battre pour leurs enfants, et elles puisent précisément cette force dans l'amour qu'elles ont pour eux. La faiblesse que l'on porte en soi – comme une mère porte un enfant, qu'il soit intérieur ou extérieur – cette faiblesse nous donne des ailes, et nous permet de combattre contre toutes les forces de division autour de nous. Cette fragilité est légère, vive et souple. Elle élève les humbles et s'oppose à la lourdeur du péché, à la pesanteur et à l'inertie de la mort qui nous cloue sur place. Même la croix de Jésus est légère, facile à porter, quand elle est portée par amour. Oui, c'est l'amour qui nous donne des ailes, et qui nous permet d'affronter les pires situations en les dénonçant. Il y a 80 ans, le cardinal Saliège a eu le courage d'affirmer que les Juifs aussi sont des hommes et des femmes comme les autres. Il l'a fait par amour de la vérité et par amour de ces gens, risquant d'en subir lui-même les répercussions.

Comme le peuple élu dont elle est issue, Marie a eu une vie difficile. Elle a été éprouvée dans sa fidélité à Dieu. Avec Joseph et l'enfant Jésus, elle a dû vivre l'exil en Egypte. Le livre de l'Apocalypse nous dit que la Femme – c'est-à-dire la Vierge – s'enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place, évitant ainsi que l'enfant ne soit dévoré par le Dragon, qui symbolise le roi Hérode. En notre temps, il y a encore tant de situations similaires d'exil et de migrations, avec toujours des potentats autoritaires et jaloux de leur puissance ! Pensons aux femmes et aux enfants, qui fuient les horreurs de la guerre, en Ukraine ou ailleurs, et qui sont les premières victimes des conflits.

L'assomption de Marie nous montre une Femme, incarnation de la beauté de Dieu, qui est victorieuse de la mort, avec et par son Fils. Au dernier jour, nous savons que la Beauté vaincra la laideur, qui est le propre d'une bête immonde. Car l'affreux Dragon de l'Apocalypse, avec ses sept têtes et ses dix cornes, n'est que la représentation de la démesure du péché, une excroissance de l'orgueil et de la violence. L'homme se croit tout-puissant, mais il n'est qu'un souffle, en réalité. Il se cramponne à sa force, car il craint de la perdre, comme le roi Hérode a eu peur de l'enfant Jésus. Oui, la faiblesse apparente de Dieu est sa véritable force, au contraire de la puissance des hommes, qui n'est que vanité.

Aujourd'hui, frères et sœurs, il nous faut entendre le cri des femmes dans le monde, car elles nous disent ce qu'est notre humanité profonde. Que ce soit le cri d'action de grâce – comme celui de Marie et Elisabeth –, ou que ce soit le cri de la Femme de l'Apocalypse, torturée par les douleurs de l'enfantement, il nous faut l'entendre, et y être attentif. Car l'avènement de Dieu dans notre monde passe par la souffrance, mais c'est une souffrance qui élève car elle porte du fruit, comme une mère attend son enfant. La création gémit en travail d'enfantement, dit saint Paul.

Au dernier jour, l'élévation de notre humanité vers Dieu, avec Marie, adviendra pour chacun de nous. Nous savons que cela nous est promis, à la suite du Christ monté auprès du Père. Dans notre monde troublé, qui peine à regarder vers le Ciel, soyons les témoins de cette espérance. Au cours du sacrifice eucharistique, prenons dans notre prière toutes les intentions de celles et ceux qui ne voient plus d'avenir, et qui sont dans la nuit. Que la Vierge Marie soit une consolation et une lumière pour ces personnes qui ne trouvent plus de sens à leur vie. Qu'elle nous prenne tous dans le grand manteau de Lumière que le Père lui a donné, et qu'elle élève avec elle notre regard vers ce Dieu qui nous aime. Amen.

Fr. Columba