6° Dimanche du TO*C Lc 6, 17.20-26

Frères et sœurs, à quatre reprises, dans l'Evangile que nous venons d'accueillir, Jésus exprime son désir de vouloir du bien pour chacun de nous : «Heureux, vous !», dit-il…

Cependant, il nous surprend.

En effet, chaque fois, ses bénédictions sont associées à ce que nous redoutons : la pauvreté, la faim, la tristesse et même la haine dont nous serions victime.

Et pire encore avec les malédictions qui affecteraient les gens riches, rassasiés, souriants et jouissant d'une reconnaissance sociale.
Ainsi, les heureux deviennent-ils malheureux...

Avouons-le, ces contrepoints sont incompréhensibles, voire inadmissibles.
Nous est promis ce que nous n'espérons jamais voir advenir…
Serait-ce une menace qui nous guette ?
Comment être heureux en souffrant ?

Pourtant le Seigneur vient nous consoler et nous aider à percevoir ce qu'il va accomplir pour nous et par nous.
Il met d'abord en valeur des personnes.
Puis il lance un appel :
le détachement est une source d'enrichissement humain et spirituel alors que la détention devient parfois une prison : ne devenons-nous pas esclave de notre désir de posséder ?

L'apôtre saint Paul, dès le début de sa première Lettre aux Corinthiens nous précise à l'égard de qui le Seigneur est attentif : «ce qui est d'origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n'est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est.»

Frères et sœurs, l'attention de Dieu se porte particulièrement sur les plus humbles.
C'est bien pourquoi, dans l'Evangile selon saint Luc,
Jésus part toujours des réalités bien concrètes, sans se référer immédiatement à une perception spirituelle détachée de la vie quotidienne.

L'évangéliste saint Luc a considéré combien les toutes premières communautés chrétiennes ont souffert d'indigence, de marginalisation, de persécution à cause de leur foi au Christ et de l'attente du Royaume de Dieu.

Il exprime bien les souffrances de ses contemporains :
«vous qui avez faim maintenant, ...vous qui pleurez maintenant»…et cela est encore le cas aujourd'hui dans tant de lieux dont la liste semble infinie : Syrie, Soudan, Ethiopie, Palestine, Birmanie ... et même chez nous en France et en Europe où la précarité affecte des familles, des personnes âgées et isolées.

Toutefois, percevons les signes de la présence de Dieu et comme nous venons de l'entendre dans la deuxième lecture de ce dimanche où saint Paul est très ferme : «si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour CETTE vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes».

Frères et sœurs, le Christ illumine notre horizon qui s'élargit à un avenir plein d'espérance, si nous nous ouvrons à lui.
Précisément, une belle expression de la force spirituelle de ces versets se trouve dans une lettre du Frère Luc, ce moine trappiste médecin au monastère de Tibhirine.
En effet, ce martyr d'Algérie, béatifié en 2018 (?), écrivait :
«Aussi longtemps que nous faisons de notre vie un but en soi, ne subsiste aucune raison de vivre, car tout se termine par la mort.
C'est dans le Christ que nous découvrons le sens profond de notre vie
Ce que Dieu demande est que nous Lui fassions confiance à Lui et au Christ».[Frère Luc, Lettre de janvier 1994.]

Cette confiance se développe quand nous cherchons à nous conformer au Christ, à nous mettre en harmonie avec lui, à faire nôtres le message des Béatitudes.

Frères et sœurs, ici, une image pourrait, peut-être, nous aider à illustrer ce propos.
Les Béatitudes ne sont-elles pas comparables à une partition de musique ?
Le Seigneur Jésus a composé puis entonné ce thème musical à huit notes.
Quatre bénédictions et quatre malédictions disons-nous... Elles nous permettent de poser notre voix, de nous ajuster à celle du Christ et de comprendre comment fonder notre existence sur Lui seul en renonçant à toute fioriture, à toute vaine gloire, à tout arrangement musical qui viendrait couvrir nos voix.

Quand des frères moines ou des sœurs moniales ou même une chorale chantent en grégorien, dans la grande tradition de l'Église latine, ils le font, en principe, en chœur et à l'unisson.
Ils manifestent ainsi qu'ensemble ils chantent la mélodie de l'Évangile.
De la meilleure façon, ils répondent à l'exigence d'interpréter avec justesse ce que le Christ nous met à l'oreille et donc au cœur.

Frères et sœurs, nous pouvons tous devenir de bons interprètes de la mélodie divine, chacun avec son tempo, son rythme mais toujours dans le ton de Jésus Christ.

Depuis 2000 ans, la partition évangélique n'a pas changé.
N'hésitons jamais à l'entonner afin de rendre notre vie plus harmonieuse.
Ainsi, pour vivre les Béatitudes, ayons confiance,
le Christ nous donne le la, la note juste...

Amen.

Fr. Benoît-Marie