6° Dimanche de Pâques (C) Jn 14, 23-29

Il est doux, Seigneur « de garder ta Parole ». Pour peu que se taise le bruit assourdissant de sa propre volonté, le cœur qui garde Tes commandements y trouve la Paix. Il « est très bon » de recevoir aujourd'hui  les paroles livrées à Tes amis au soir du plus Grand Amour : Tu y délivres Ton ultime message, avant d'affronter Ta mort.

Cette page d'Evangile, au soir du Jeudi Saint, nous est donnée alors que dans quelques jours, pour l'Ascension, Jésus Ressuscité disparaitra aux yeux de ses disciples. Depuis plusieurs semaines, Il se donne à voir, à toucher, Il mange avec eux. Aujourd'hui, il s'agit d'un autre départ, imminent, nécessaire à la venue de l'Esprit, et la prière de Jésus, au soir de Sa Passion, trouve naturellement sa place en ce dernier Dimanche avant l'Ascension.

Mort et Résurrection. Départ et retour. Présence et Absence. Voilà, me semble-t-il, ce qui nous est dit pour que la Parole trouve sa place en nos cœurs, s'y dilate et y dégage une demeure pour Jésus et Son Père, dans leur Esprit d'Amour.

La première lecture nous y aide aussi. Il y est question de beaucoup de mouvements : rencontre des Apôtres et des Anciens à Jérusalem, diffusion de la Parole avec allers/retours à Antioche. S'agit-il seulement de mouvements extérieurs ? Ne s'agit-il pas aussi de mouvements de tentations de l'âme, oscillant vers le statu quo rassurant du monde ancien, comme par l'illusion de l'idolâtrie ? Il n'est pas surprenant que ce soit là, à Antioche, que « pour la première  fois, les disciples furent appelés « chrétiens ». Car comment nommer ce groupe hétérogène, en tension entre deux mondes, le monde juif et le monde païen,  si opposés et pourtant appelés à l'unité ?

Nous qui « sommes chrétiens » après deux mille ans de tradition de l'Eglise, de témoignage de tant de saints qui ont vécu de la Parole, nous sommes soumis aux mêmes tentations et nous avons à témoigner dans nos vies de la Présence du Ressuscité.

Comment allons-nous faire ? En fait, s'agit-il de faire ?

Non, il s'agit de se laisser faire et de Le laisser faire !!!

Car, le Christ Ressuscité est déjà plus avant que nos peurs, que nos réticences à laisser advenir « ce monde nouveau » dont la Liturgie nous parlait si fort Dimanche dernier.

« Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie puisque Je pars vers le Père », « Je m'en vais, et Je reviens vers vous. »

Comment Te garder, Jésus ? Comment vivre de Ton Absence, sinon, en T'aimant ? Tu le dis Toi-même, « si quelqu'un m'aime, il gardera ma Parole, mon Père l'aimera, nous viendrons vers lui, et, chez lui, nous nous ferons une demeure. » T'aimer, Jésus, et garder Ta Parole, c'est tout un ! Travail jamais fini, mais à faire advenir chaque jour.

Y a-t-il, en moi, Seigneur, une place pour que Tu y demeures ? Plutôt que de garder les yeux fixés sur mes limites, mon péché, mon incapacité à T'aimer, donne-moi de voir Ta Miséricorde. Fais-moi vivre de Ta Présence. Que ce « ne soit plus moi qui vive, mais Toi,  Christ, en moi. »

Nous ne sommes jamais définitivement « installés » dans ce confort, mais tendus chaque jour vers le Christ qui nous précède. Cela passe chaque jour par la Mort, ma mort, et la Résurrection. Eviter cette Pâque, ce passage, c'est perdre l'essence même du Christianisme. « Que rien ne me trouble ni ne m'effraie » : Christ est toujours déjà là, au plus profond de la solitude,  de la  souffrance. Il est passé et Il a vaincu la Mort, pour chacun de nous. Si pêcheurs que nous soyons, et même, justement, parce que nous sommes pêcheurs !!

Paix de Jésus, joie de la Vie, message inouï du chrétien : vivre d'Amour !! Et, par-là, dire au monde que le Christ a vaincu le monde par l'Amour.

Aujourd'hui, dans notre situation concrète, parfois désespérée en apparence, dans notre Eglise, Sainte et pècheresse, le travail d'enfantement de « ce monde nouveau » est déjà commencé. Nous ne le voyons pas. Mais Jésus Lui-même nous le dit : « Mon Père travaille toujours ! ». La Vérité de ce travail est une question de temps. L'essentiel est invisible au regard mais la révélation de l'Esprit d'Amour est aussi sûre que l'aurore car « rien ne peut éteindre l'Amour ».

Actualité et universalité de la Parole, de la Bonne Nouvelle, car l'Evangile n'est Evangile que par la conversion des cœurs qui aiment Jésus, en Eglise.  

P. Jean-Marie