3° Dimanche du TO*C Lc 1, 1-4 et 4, 16-21
Frères et sœurs, je ne sais pas quelles sont des épices que vous utilisez le plus souvent pour assaisonner vos plats. Vous avez peut-être une épice préférée : herbes de Provence, piment, thym, cannelle, romarin, curcuma… ou tout simplement poivre ou gingembre ? C'est vrai qu'il suffit parfois juste de quelques grains de ces épices pour changer le goût des aliments. Ces condiments se fondent dans les aliments et nous ne les voyons plus. Pourtant ils jouent un rôle essentiel pour le plaisir du palais.
Et il en va des aliments comme il en va de la vie. Tous nous avons à apporter notre propre petit grain d'épice à la construction du monde. Il y a beaucoup de variétés d'épices, comme il y a une variété d'êtres humains. Même si nous nous ressemblons, personne ne sera jamais complètement identique à l'autre. Chacun de nous est un être unique et c'est précisément cette unicité qui permet toute la richesse de nos rencontres.
Jésus, lui aussi, est un être unique, avec une mission spécifique. L'évangile d'aujourd'hui nous dit que dans la synagogue de Nazareth où il commente les Écritures, il s'attribue à lui-même ces paroles du prophète Isaïe : « L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu'ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » C'est clair, Jésus est très lucide de sa mission. Il sait quel genre d'épice il a à apporter à la vie de l'humanité.
Est-ce que notre mission est la même que celle de Jésus ? Pas forcément. Pour les uns, oui, pour les autres, non. S. Paul nous le dit : nous ne sommes pas tous des apôtres, nous n'avons pas tous le charisme de gouverner ou d'enseigner. Les chartreux p.ex. ne font pas de l'évangélisation de rue, n'enseignent pas dans les universités catholiques, mais ils prient dans leurs ermitages plusieurs fois par jour ; les parents d'un enfant prennent soin de l'éduquer, mais ce n'est pas la tâche des moines ou des moniales. Chacun de nous a une mission spécifique à réaliser, un grain d'épice spécifique à apporter dans la vie de l'humanité.
Comment reconnaître cette mission, comment découvrir son goût ? Sans doute, à partir des dons que nous avons reçus et qui nous singularisent. Tous nous en avons au moins un. Et il est vrai que cela prend parfois du temps de les découvrir car trop souvent nous perdons notre temps à jalouser et à tenter d'acquérir ceux des autres. Pour découvrir nos dons, il est important de nous connaître en vérité, sans nous juger, accepter ce qui est en nous, l'accueillir avec bienveillance et douceur. Peut-être que je m'efforce de participer dans de différents groupes, dans de différentes associations au nom de ma foi, alors qu'intérieurement, je sens que j'ai besoin de solitude, de contemplation, que je sature de la présence des autres. Peut-être, au contraire, que je souffre de solitude, mais je n'ose pas aller vers les autres en croyant que je n'ai rien à apporter. Si S. Luc pensait qu'il n'avait rien à apporter, puisque les évangiles selon S. Marc et S. Matthieu existaient déjà, nous n'aurions pas la joie de savourer ce qu'il a écrit avec tant de finesse, d'humour et de profondeur.
« L'Esprit du Seigneur est sur moi », dit Isaïe. L'Esprit du Seigneur est sur chacun de nous. Il y a en tout être humain, quel qu'il soit, quoiqu'il ait pu faire, un don, quelque chose de positif et de grand. Et même si certains dons reçus sont plus visibles que d'autres, tous ont leur place et participent à leur manière à l'harmonie de la vie, à l'accomplissement du monde et du bonheur de Dieu.
Frères et sœurs, je ne sais pas quelles épices vous allez utiliser pour préparer votre repas de ce midi, mais je sais que chacun de nous est une épice unique, créée et choisie par Dieu qui peut donner la bonne saveur à la vie commune, à condition que la dose est exacte (ni trop ni trop peu). Alors, n'hésitons pas à faire découvrir aux autres leurs dons, s'ils ont du mal à les voir. Cela nous permettra de voir la vie autrement, de manière plus positive, plus heureuse, avec gratitude envers Dieu et les autres.
Fr. Maximilien