Jour de Pâques Jn 20, 1-9

On se croirait sur une piste d’athlétisme ! Sauf que celui qui est en tête de la course laisse la place au suivant, et ne franchit pas la ligne d’arrivée… Humilité de l’amour, celle du disciple bien-aimé, qui court plus vite que Pierre, représentant la figure d’autorité dans l’Eglise. Mais quelle est cette ligne d’arrivée, finalement ? Et qui l’a vraiment franchie ? Marie-Madeleine est la première à être sur les lieux, mais ne se penche pas dans le tombeau, qui est creusé à flanc de colline. Une fois prévenu du fait que le corps de Jésus n’est plus dans le tombeau, le disciple que Jésus aimait, lui, arrive le premier, se penche, mais n’entre pas. Quant à Pierre, il arrive après tout le monde, il entre, mais il ne croit pas, au contraire de l’autre disciple. Donc, après tout cela, on peut constater que personne n’a vraiment le monopole de la Résurrection. Personne n’a vraiment toute la vérité, mais chacun a perçu des éléments différents de celle-ci ; et ces éléments ont été mis en commun. Malgré tout, on peut tout de même dire que dans cette histoire le moteur de la foi est l’amour. C’est précisément « le disciple que Jésus aimait », l’auteur de l’évangile de Jean (identifié à celui-ci) qui croit, après avoir vu le « signe » du tombeau vide.

Le quatrième évangile est ponctué de signes de toutes sortes, que Jésus a accomplis : l’eau changée en vin à Cana, les guérisons de l’aveugle-né, la résurrection de Lazare, etc. Ces signes renvoient tous au Signe ultime de la Résurrection de Jésus. Ils prennent chacun un sens à travers cette expérience unique. Mais la constatation du tombeau vide ne donne pas nécessairement la foi en la Résurrection. Il s’agit, comme le disciple bien-aimé, de voir ces signes avec le regard de l’amour. Pourquoi Jésus a-t-il changé l’eau en vin, pourquoi a-t-il guéri tant de personnes si ce n’est pour nous montrer son amour et donc l’amour du Père ?

Tout cela est instructif, car lorsque nous voyons un vide, une béance dans notre vie, que faisons-nous ? Y voyons-nous la présence de Jésus, au cœur de cette absence ? Ou bien seulement un manque à combler ? En réalité, seul l’amour peut combler le vide de nos existences. Et c’est Dieu qui fait cette œuvre. Nous n’en sommes pas capables. Souvent, nous cherchons à combler par nous-mêmes cette absence, ce manque, ou bien nous demandons à nos proches de le faire pour nous. Et même, certaines fois, nous implorons Dieu de venir nous remplir de sa présence, pour ne plus souffrir. Pourtant, c’est au cœur de cette prise de conscience du vide qui est en nous - la mort, le néant -, que nous trouvons l’issue, la porte de sortie. Il faut que la pierre soit roulée, que le tombeau soit ouvert pour que Jésus puisse ressusciter en nous et dans le monde. Cette issue ne peut se faire que par le haut, nous dit saint Paul. Recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Tendez vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre. Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’il faut cesser de considérer les choses du seul point de vue humain et terrestre, mais regardez les événements avec les yeux de Dieu. En effet, la mort et la souffrance sont des questions insurmontables philosophiquement. Seul le regard de foi, porté par l’amour, permet de franchir cette impasse, et d’ouvrir une brèche, une faille dans le tombeau.

Saint Paul dit aussi aux Colossiens que nous sommes morts avec le Christ, et que notre vie est cachée avec lui en Dieu. La Résurrection est l’Epiphanie, c’est-à-dire la « Révélation » par excellence. Ce qui était caché, voilé dans les ténèbres, est dévoilé, mis en pleine lumière. Si nous pensons spontanément que Dieu est du côté de la lumière, et qu’il n’est pas présent dans notre mort, nous nous trompons. Car il est toujours présent avec nous en son Fils, aussi bien dans l’ombre et l’obscurité de la mort, que dans la lumière et la gloire de la Résurrection.

Frères et sœurs, la vie et la mort sont mêlées, comme la lumière et les ténèbres. Comme chrétiens, nous ne sommes pas manichéens, impatients de trancher entre le noir et le blanc. La seule différence entre la mort et la vie, c’est que la première relève de quelque chose d’inaccompli, d’inachevé, de caché. Mais Dieu est déjà là, comme en germe. Vient le temps de la Résurrection, qui met comme pierre d’angle à l’édifice la pierre qui avait été rejetée. Dans cette construction, tout est accompli. Et cet achèvement, nous le voyons déjà à la Croix. Oui, l’Amour de Dieu en Jésus a tout réalisé ; il a tout rendu à sa perfection. Après le temps vide du Sabbat, au septième jour, vient le huitième, plénitude totale assumée par le Christ. Mais pour arriver à ce stade, il faut passer par le vide, par la mort. Demandons à Dieu de faire de nos manques, de nos échecs, des occasions de grandir et des tremplins vers la vie. Courons, avec les disciples, vers ce tombeau vide qui nous révèle l’Amour de Dieu. Accueillons la joie du Christ ressuscité qui nous veut debout avec lui. Amen.

F. Columba