5° dimanche du TO (B) Mc 1, 29-39
Frères et sœurs, chaque jour, nous prenons de dizaines de décisions, petites ou grandes, nous faisons des choix entre de différentes possibilités, en faisant nos courses, en lisant tel ou tel article, en nous couchant à 22h ou à 1h du matin, en faisant ou pas ce qu’un autre nous demande, etc. Nos choix ont toujours des répercussions sur notre vie personnelle et sur nos relations avec les autres.
Dans l’évangile d’aujourd’hui Jésus se trouve dans une situation où il doit choisir entre deux biens : soit rester à Capharnaüm et continuer de guérir et d’évangéliser ses habitants, soit les laisser et partir ailleurs. C’est un choix qui n’est pas facile. Jésus doit choisir entre ceux qu’il guérira et enseignera et ceux qui ne pourront pas en profiter.
Oui, choisir une chose, une action, c’est renoncer à une autre, c’est dire « non » à une autre. Dire « non » est parfois difficile, surtout pour nous, chrétiens. Formés par une morale idéaliste, nous pensons souvent ne pas faire assez d’efforts, ne pas nous dévouer, nous donner, servir assez. Alors que notre agenda est peut-être plein à craquer et que le corps commence à nous signaler qu’il n’arrive plus à suivre notre esprit, notre bonne volonté, nous pouvons nous dire que nous ne sommes pas assez charitables. Dire « non » à quelqu’un, à un service, réveille un sentiment de culpabilité, et notre critique intérieur se met à parler dans notre tête : « Quand même, tu pourrais le faire ; tu es paresseux ; ne sois pas égoïste ; c’est ça ton témoignage ? ; qu’est-ce qu’elles vont penser de toi, ces personnes ? ; quelle image de Dieu tu leur donnes ? ; etc. ».
Peut-être que Jésus a eu les mêmes pensées, les mêmes scrupules, même s’il a passé toute la soirée précédente à servir ceux qui étaient malades. Après une prière bien matinale, il décide finalement de dire « non » à ceux qui veulent qu’il reste à Capharnaüm. En le faisant, Jésus dit en même temps « oui » à une autre chose. Il a des priorités dans son agenda. Et il ne s’arrête pas sur le fait que les habitants de la ville de Pierre pourraient être déçus par son départ, se sentir abandonnés ou mal aimés. Il fait confiance à leur bon sens, à leur compréhension.
Ce qui aiguille la décision de Jésus, c’est la conscience qu’il a de sa mission. Il sait pourquoi il est venu. Il dit : « allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi, je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti ». S’il restait à Capharnaüm, cela l’empêcherait de réaliser plus pleinement sa vocation et d’être ainsi en harmonie avec lui-même. Il est conscient de qui il est et cela oriente ses choix. S. Paul, lui aussi, est conscient de sa mission de vie : « annoncer l’Évangile, ce n’est pas là un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile » (1Co 9,16). C’est vrai aussi dans nos vies : ce qui nous rend heureux, c’est la vie en accord avec notre identité, notre vocation, avec ce que nous sommes.
Remarquons que Jésus est clair avec ses disciples. Il exprime clairement son désir d’aller aussi dans d’autres villes. Nous savons que si nous ne communiquons pas nos désirs à l’autre, si nous les refoulons pendant longtemps, si nous disons toujours « oui » pour faire plaisir à l’autre, de peur d’être rejeté ou jugés par lui, nous risquons de commencer à ruminer contre lui, à accumuler en nous beaucoup de colère et de rancune contre lui, sans qu’il s’en rende compte. Alors, une goutte d’eau fait déborder le vase et nous éclatons en vidant notre sac de façon disproportionnée à la situation. Jésus nous apprend ici qu’être chrétien ne veut pas dire se sacrifier toujours pour les autres, oublier ses propres besoins et désirs (de risque de faire payer cher l’autre plus tard pour notre dévouement pour lui).
Si pendant longtemps nous faisons quelque chose contre nos valeurs, nos besoins, nos aspirations, non seulement nous ne nous respectons pas, mais encore, nous trompons l’autre, puisque tant que nous ne sommes pas clairs, explicites, avec lui, il pense que ce que nous faisons pour lui ne nous pose aucun problème.
Frères et sœurs, par son attitude, Jésus nous apprend aujourd’hui que la charité, le don de soi, l’amour, impliquent certaines limites. Pour ne pas nous sentir abusés, nous avons besoin de marquer ces limites, et donc de dire « non » parfois, de communiquer avec les autres de façon à la fois claire et douce, respectueuse. L’envie de rendre les autres heureux est important, sain et bon, de même que l’envie de nous rendre heureux nous-mêmes. Trouver un équilibre entre les deux, c’est tout un chemin. C’est comme une marche où nous balançons de gauche à droite, et de droite à gauche. Et c’est comme cela que nous avançons.
fr. Maximilien