1° Dimanche de l'Avent (C) Lc 21, 25-28.34-36
Frères et sœurs, avec le premier dimanche de l'Avent, nous commençons une nouvelle année liturgique, et Jésus nous parle… de la fin du monde. Oui, c'est bien lui qui parle, et on se croirait presque dans un film d'anticipation ! En plus, il le fait en utilisant la troisième personne (« Le Fils de l'homme »). Tout cela est bien étrange. Il s'agit, en fait, d'un genre littéraire qu'on appelle « apocalyptique », et que l'on retrouve dans les évangiles de Marc, Luc et Matthieu, juste avant le récit de la Passion. Le contexte historique est le suivant : le temple de Jérusalem, en 70, a été détruit, et Luc met dans la bouche de Jésus tous les événements qui ont eu lieu, avec le lot de persécutions, de guerres dont est victime la population juive de Jérusalem, quand les Romains s'emparent de la ville.
Dans cette « apocalypse », qui ressemble au dernier livre de la Bible portant le même nom, quelque chose est « dévoilé », une réalité nouvelle apparaît. Derrière le monde ancien qui est en train de s'écrouler, de s'effondrer, un nouveau monde est en train de germer, de se lever. C'est ce que nous dit aussi le prophète Jérémie : Je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice.
Des cataclysmes, des épidémies, des guerres, il y en a toujours eu, et il y en aura toujours, malheureusement, nous le savons. L'apocalypse comme « révélation » n'est pas seulement à venir, elle est déjà venue. La fin du monde est continuellement en train d'advenir. La crise est omniprésente tant que la terre existera. De tous temps, les hommes (et les chrétiens parmi eux) ont cru que leur époque était la dernière, surtout pendant les périodes de mutation que nous connaissons aujourd'hui. La nôtre a ceci de singulier que pour la première fois, l'influence de l'être humain sur la biosphère a atteint un tel niveau qu'elle est devenue une force géologique. C'est ce que l'on appelle « l'anthropocène ». L'homme a acquis la possibilité de s'anéantir lui-même, ainsi que toute la création avec lui. Il y a donc de quoi s'inquiéter. Beaucoup de jeunes, aujourd'hui souffrent d'éco-anxiété, car ils se demandent dans quel monde ils vont vivre demain. Ils voient clairement qu'un monde est en train de s'effondrer, et ils essaient déjà d'imaginer celui de demain.
Que nous dit le Christ ? Il nous invite à ne pas nous endormir en recourant aux addictions de toutes sortes, mais à nous réveiller et à nous redresser quand tous ces événements arrivent. C'est le mouvement de la résurrection. En étant dans cette attitude de veille constante, dans le mouvement de la vie, nous sommes prêts à échapper à la catastrophe, et à nous tenir debout devant le Fils de l'homme. Un monde est en train de passer. Au lieu de nous accrocher à lui, en le regrettant, il vaut mieux au contraire regarder de l'avant, vers le monde nouveau. Ne soyons pas comme la femme de Lot, dans le livre de la Genèse, qui se transforme en statue de sel, quand elle regarde le désastre de Sodome et Gomorrhe derrière elle (cf. Gn 19,26). Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, dit Jésus, n'est pas digne du Royaume de Dieu (Lc 9,62).
C'est le bonheur qui nous est annoncé par Dieu, et non le malheur. Mais ce bonheur est devant nous. Voici venir des jours – oracle du Seigneur – où j'accomplirai la parole de bonheur que j'ai adressée à la maison d'Israël et à la maison de Juda. Jésus nous dit que notre rédemption est proche. Pour nous faire comprendre cela, il prend une image – que nous n'avons pas lue dans la liturgie – c'est celle du figuier, de l'arbre qui bourgeonne. En voyant le germe, le bourgeon, nous savons que l'été est proche. Il nous faut donc prêter attention aux signaux faibles, aux petites pousses qui sont en train de grandir dans le monde. Certaines de ces pousses ont été semées ou plantées, tandis que d'autres ont surgi comme par miracle. Le printemps se prépare déjà en hiver, et il faut anticiper. Nous devons prendre soin de ces plantations encore fragiles, car ce sont elles qui vont faire tenir notre monde de demain. Soyons proches des jeunes, car ils souffrent beaucoup aujourd'hui. L'avenir est sombre pour eux. Encourageons-les à être dans l'espérance et à construire un monde meilleur, plus humain et plus fraternel.
Saint Paul invite les Thessaloniciens à « faire de nouveaux progrès », à « avoir un amour de plus en plus intense et débordant » à l'égard de tous les hommes. Qu'il en soit ainsi dans notre monde et d'abord dans notre Eglise. En ce temps de l'Avent qui commence, fixons les yeux sur le Christ, le fils de David, « Germe de justice » qui vient pour nous sauver et apporter la Paix au monde. Amen.
F. Columba