Dieu a osé

Quitter l'invisible pour se laisser enfermer dans le visible. Quitter l'éternité pour le temps, la toute-puissance pour la fragilité d'un enfant, la gloire pour une mangeoire… Qu'est-ce qui a pris Dieu pour faire cela ? Quelle imprudence ! Dieu serait-il fou ? Oui, fou. Fou d'amour.

L'Incarnation n'est pas raisonnable. Elle n'obéit ni à la logique de l'efficacité ni à celle de la sécurité. Dieu ne choisit pas la distance, mais la proximité. Il ne vient pas expliquer le monde, il vient l'habiter. Il ne survole pas nos vies : il y entre, jusqu'à en partager la fatigue, les larmes, la mort. À Bethléem, Dieu accepte de dépendre, d'être porté, nourri, consolé. Il accepte le risque de l'amour, qui est toujours un risque de vulnérabilité.

La question de l'Incarnation rejoint celle de l'engagement des moines. Entrer dans un monastère, quitter les conforts du monde, renoncer à tant de possibles, n'est-ce pas, là aussi, une forme de folie ? Oui, sans doute. La même.

Car devenir moine, c'est répondre à un appel qui, lui aussi, échappe aux critères ordinaires de la réussite. Pourquoi consentir à la stabilité, à l'obéissance, à la simplicité, quand tant de chemins semblent offrir plus de liberté, plus de reconnaissance, plus de confort ? Parce qu'il existe une autre logique à l'œuvre.

La logique de l'Incarnation : celle du don de soi, de la gratuité, de l'amour.

La vie monastique est une folie douce : celle de croire que Dieu suffit, que le silence peut être fécond, que la prière peut porter le monde, que l'existence humaine trouve son sens non dans ce qu'elle produit, mais dans ce qu'elle offre. Le moine ne fait pas beaucoup de bruit, mais il consent à être là, jour après jour, devant Dieu et pour les autres.

En ce temps de Noël, fête de l'Incarnation du Dieu qui nous dit : « Tu comptes assez pour que je m'arrête chez toi », rendons grâce pour la folie de Dieu et pour celle des hommes et des femmes qui offrent leur vie par amour. Entrons, nous aussi, dans cette logique d'amour, d'Incarnation.