Vendredi Saint Jn 18, 1 – 19, 42
Il ne ressemblait plus à un homme ; il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme. Le Serviteur du Seigneur est tellement défiguré qu’il apparaît comme un animal, comme une plante chétive. Il est méconnaissable. Oui, Jésus ressemble à une bête de somme brutalisée, une brebis humiliée et maltraitée, un agneau conduit à l’abattoir. Il est mort comme une bête. Il n’a pas été traité comme un homme, mais comme un animal.
Comment est-il possible que des hommes tuent ainsi d’autres hommes ? Ces hommes qui torturent sont-ils encore des hommes ? Ou bien des animaux ? Et les bêtes tuent-elles ainsi ? Non, elles ne sont pas cruelles comme ces hommes… Horreur et effroi. Quand un homme maltraite son frère en humanité, il se rabaisse lui-même au rang d’animal. Celui qui est décharné n’est pas celui qu’on croit. Jésus n’a pas perdu sa dignité dans sa Passion. Ce n’est pas lui qui est nu. Ce sont plutôt les bourreaux qui ont enlevé leurs vêtements, qui ont perdu leur dignité en se livrant à la honte. Oui, ils sont nus, comme des bêtes... comme Adam et Eve, dans le jardin d’Eden, pécheurs honteux. Ils se sont cachés de Dieu. Ils se sont éloignés de la Vie, de la Source, de l’Origine.
Jésus, tu es venu pour les hommes et les bêtes. Le psaume (35) le dit bien : Hommes et bêtes, ton secours est pour tous, Seigneur. Ton salut est pour tous, bons et méchants, pour toute la création : hommes et bêtes. Comme des animaux, nous sommes devant toi bouche bée, muets. Oui, devant ta face défigurée, nous ne savons plus que dire, que faire. Nous sommes confus, avilis, déshonorés. En réalité, c’est nous qui sommes dépouillés sur la croix, et pas toi… C’est nous qui sommes réduits à néant. En te regardant, nous nous voyons tels que nous sommes : misérables, nus et pécheurs. Car tu t’es fait péché pour nous. Tel le serpent d’airain qui guérit les blessures de serpents brûlants dans le désert. Il nous faut te regarder pour être sauvés. Quand nous t’humilions, toi, la Parole, quand nous t’étouffons, c’est nous qui devenons muets, éteints, incapables de parler. Dans ton silence, rends-nous la parole ! Dans ton abaissement, relève-nous ! Remets-nous debout, pour que nous soyons des hommes, et non plus des bêtes…
Fr. Columba