Toussaint Mt 5, 1-12a
Frères et sœurs, en cette solennité de la Toussaint, nous fêtons tous les saints en même temps. Pourquoi ? Est-ce qu'il ne suffit pas de les célébrer séparément pendant l'année ? Tout d'abord, il faut dire qu'il existe des saints anonymes, qui ne sont pas dans le calendrier liturgique, et c'est donc l'occasion de les associer à ceux que nous connaissons. Mais surtout, c'est la communion des saints que nous fêtons aujourd'hui. Tous ensemble, nous sommes appelés à la sainteté, à l'image de Dieu qui est saint, et qui nous fait participer à sa divinité, dans sa communion trinitaire. Vous serez saints, comme je suis saint, lit-on dans le Livre des Lévites.
« Je crois en l'Eglise, une, sainte, catholique et apostolique ». Comment croire à cette définition de foi, quand l'Eglise semble davantage ressembler à Babylone qu'à la Jérusalem céleste ? Comment croire à la « communion des saints », également dans le Credo, quand des membres de l'Eglise ont gravement péché contre la dignité humaine, et contre l'innocence des enfants ? L'Eglise ne serait-elle pas pécheresse, plutôt que sainte ? Devant cette douloureuse constatation, il nous faut garder l'espérance, et tenir ensemble ces deux affirmations : l'Eglise est sainte, bien qu'elle soit composée d'hommes pécheurs. Car si le péché vient des hommes, la sainteté, elle, est un don de Dieu. Mis à part la Vierge Marie, aucun des membres de l'Eglise n'est épargné par le péché. L'Eglise, il faut le dire, est née du pardon. Après sa résurrection, Jésus confie à Pierre - qui l'a renié - les clés de son Royaume. Et il lui demande s'il l'aime. Comment est-il possible que le Christ fasse une telle chose, et qu'il donne sa confiance à un homme pécheur ? Aux apôtres défaillants et à nous aussi, Dieu fait confiance, et souvent nous le renions, nous le trahissons. Dieu a foi en nous, le peuple qu'il s'est choisi, et il nous communique sa sainteté. Cette sainteté, c'est la sienne. Ce n'est pas notre vertu ou nos bonnes œuvres qui font de nous des saints ; tout ce que nous faisons de bien et de bon vient de lui et de lui seul, par son Esprit qui habite en nous.
Dans le livre de l'Apocalypse, l'un des Anciens explique à Jean que les saints « viennent de la grande épreuve », et qu'ils ont « lavé leurs robes, en les blanchissant dans le sang de l'agneau ». Oui, c'est la Passion du Christ qui nous lave de nos péchés ; c'est son sang qui nous purifie et fait de nous des saints, à son image. Ce sang que nous avons fait couler en le faisant souffrir, lui, Jésus et tous les innocents à sa suite. C'est bien le pardon de Dieu qui rend l'Eglise sainte, et qui la fait naître à une vie nouvelle. Seule la miséricorde divine peut faire ce miracle de nous faire redevenir comme des enfants, en nous rendant purs comme Dieu même est pur. Pour cela, il faut nous convertir, en mettant notre espérance en lui qui peut tout et fait des pécheurs que nous sommes des saints.
Frères et sœurs, l'évangile de Matthieu nous rappelle que les saints sont des « pauvres de cœur », choisis par Dieu au-delà de leur péché. Ils savent qu'ils sont aimés et sauvés, et se laissent attirer par cet amour qui les fait se dépasser dans le don d'eux-mêmes pour le monde. Les saints éprouvent le manque, la pauvreté qui appelle la relation. Ils savent qu'ils ne sont pas autosuffisants et qu'ils ont besoin de Dieu et des autres pour vivre. A l'image des Personnes divines, ils sont bienheureux dans la communion, dans la relation vivante avec toute la création. C'est précisément au cœur de ce manque que les saints éprouvent le bonheur. Ils ont beau souffrir sur la terre, pleurer, avoir faim et soif de la justice, être persécutés, ils goûtent déjà au bonheur du Royaume des cieux dans leur vie d'ici-bas, sachant qu'ils sont aimés de Dieu. Les saints ne sont pas seuls, car ils sont toujours dans la communion avec la terre et le ciel. Comme dit le pape François, dans son exhortation apostolique Gaudete et exsultate (par. 4), « les saints qui sont déjà parvenus en la présence de Dieu gardent avec nous des liens d'amour et de communion ». Ils sont avec nous, et nous soutiennent à chaque instant quand nous les invoquons.
Avançons-nous donc vers la sainteté, non pas seuls mais ensemble, car c'est dans la communion de l'Eglise que nous sommes sauvés. C'est là le plus beau visage que nous pouvons offrir au monde, car notre communion sera le signe et l'anticipation de l'unité du genre humain voulue par Dieu. Que le corps et le sang de Jésus nourrissent en nous le désir de faire partie des bienheureux du ciel. Demandons à Dieu de nous attirer à lui comme un aimant, pour que nous soyons saints comme lui-même est saint. Avec la foule immense des saints, choisissons-le et ne nous décourageons pas devant notre péché et notre pauvreté. Laissons-le prendre possession de notre vie et nous rendre bienheureux avec lui. Amen.
F. Columba