Sainte Marie, Mère de Dieu Lc 2, 16-21

Sainte Marie, Mère de Dieu. La solennité que nous célébrons aujourd’hui est celle de Marie, oui. Mais c’est aussi, à chaque mémoire de la sainte Vierge, notre fête. Car Marie nous précède ; elle n’est pas sur un piédestal, inaccessible. Dieu lui a donné par avance ce qu’il a promis à chacun d’entre nous, ses créatures. Avant d’être mère du Fils de Dieu, elle est fille du Père, et épouse de l’Esprit Saint. Comme elle, nous sommes tous, sans exception, appelés à porter le Fils de Dieu en nous, et à l’enfanter en le remettant au monde. C’est en tout cas ce que souligne la prière d’ouverture de cette messe : Accorde-nous de sentir qu’intervient en notre faveur celle qui nous permit d’accueillir l’auteur de la vie, Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur.

Accueillir l’auteur de la vie. Dieu le Père, le Créateur, nous donne le pouvoir suprême, à nous ses créatures, de porter son Fils, et à travers lui de Le porter tout entier. Jésus est, comme le Père en tant que Dieu, l’auteur de la vie, et nous portons son Royaume à l’intérieur de nous, en nous. Incroyable. Voilà qui devrait nous étonner, nous surprendre ! Quel renversement des rôles ! … Marie est donc « Mère de Dieu » dans le sens où elle porte le Fils de Dieu, lui qui est uni avec son Père par la même nature divine. Mais, évidemment, la sainte Vierge n’est pas la source de la vie. La divinisation de Marie, par le fait précisément qu’elle porte la divinité tout entière, est une divinisation de participation, et non de nature, comme disent les théologiens… Regardons de plus près ce que signifie concrètement dans notre vie cette affirmation dogmatique qui nous vient du concile d’Ephèse, en 431.

En contemplant la maternité divine de Marie, nous réalisons à quel point Dieu s’abaisse, au point de se soumettre à ses créatures. Dieu est l’humble par excellence, il est la source de l’humilité. Quand il crée, il s’abaisse ; quand il sauve, il s’abaisse encore… Dieu ne fait que s’abaisser, toujours, éternellement. Jusqu’à s’enfouir dans la terre, dans l’humus de notre chair, et ne faire plus qu’un avec nous. Cette chair adamique, il l’a voulue à l’image de son Fils. Oui, c’est parce que nous sommes créés à son image que nous pouvons porter le Fils de Dieu. L’Esprit Saint ne cesse de nous engendrer à chaque instant où nous vivons. Son Souffle est continuellement en train de circuler dans notre chair, comme une respiration. Il nous fait vivre, et nous maintient en vie. Comme Marie, nous sommes appelés à accueillir, à inspirer l’Esprit Saint, et ainsi à le laisser venir faire sa demeure en nous. Dieu prend forme humaine. D’abord dans l’obscurité d’un sein virginal, qui est pur de toute souillure du péché, puis dans la lumière du jour, manifesté au monde. Comme Marie, nous devons remettre à Dieu ce Fils qui nous est donné. Nous ne pouvons pas le garder pour nous, il ne nous appartient pas ! C’est le temps de l’expiration, le temps du renoncement et la remise du Souffle. Après le don vient le moment de l’abandon. Quand Jésus remet son esprit à la Croix, Marie remet son Fils à Dieu, définitivement. Elle est mère dès le début de la conception de Jésus, et le reste pour toujours, puisque son Fils est ressuscité. 

Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur. Méditer, c’est répéter et intérioriser les paroles de Dieu, les choses que Dieu a fait pour nous. Pour elle, pour nous, il a fait des merveilles. Et la plus grande des merveilles, c’est de nous envoyer son Fils, jusque dans notre propre cœur, dans notre propre chair fragile. Dieu fait de nous ses fils, comme le rappelle saint Paul  aux Galates. L’Esprit de son Fils est dans nos cœurs, et il crie vers le Père en l’appelant « Abba ! ». La grâce de filiation nous est donnée, au-delà de nos espérances. Elle est en même temps une bénédiction, dont parle le livre des Nombres : Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Qu’il fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! La paix, la bénédiction nous est donnée à travers cette naissance de Jésus, qui vient d’en haut.

C’est pour cela qu’aujourd’hui nous prions particulièrement pour que vienne la paix dans le monde, car c’est bien lui, le Christ, qui est le Conseiller Merveilleux, le Prince de la Paix (cf. Is 9). Tant que le Fils de Dieu ne sera pas accueilli complètement, la paix ne pourra venir de façon définitive.

Frères et sœurs, laissons-nous porter dans les bras de Marie, elle qui a porté Jésus, le Fils de Dieu. Ainsi nous serons conformés au Christ, devenus de plus en plus à son image. Marie est la matrice de la divinisation et de la sainteté. Elle est l’Arche d’alliance qui contient les tables de la Torah, la Parole divine qui a pris chair en elle. Comme des enfants nouveaux-nés, laissons-nous porter et consoler par cette mère très pure, à travers l’action de l’Esprit Saint. Car c’est là l’essence même de la prière : l’accueil de Dieu en chacun de nous, la transformation de notre nature humaine, appelée à être unie à Dieu. Faisons ce vœu : que cette nouvelle année nous trouve unis à lui et à son amour. Amen.

Fr. Columba