Pentecôte (B) Jn 15, 26-27 ; 16, 12-15

Frères et sœurs, Dieu nous fait un don infini, un cadeau immense. Il nous fait don de lui-même, de son propre Esprit. A quoi pensons-nous quand nous parlons de « don » ? Cela peut évoquer plusieurs situations : « Je fais un don à une association », « j'ai un don pour la musique », « il a fait don de son sang ». Dans tous les cas, il s'agit de quelque chose qui n'exige pas de contrepartie. La caractéristique du don, c'est qu'il est gratuit, et ne cherche pas le gain. Sinon, c'est une perversion. Dieu, en nous donnant son Esprit, n'attend rien en retour. Il veut seulement que nous soyons libres et heureux, et c'est justement pour cela qu'il se donne à nous, afin que nous puissions participer à sa joie trinitaire !

Il y a quelques jours, un frère nous a lu à vigiles un texte de saint Séraphin de Sarov, avec cette citation connue où le saint moine dit que « le vrai but de notre vie chrétienne, c'est d'obtenir le Saint Esprit de Dieu ». Et pour expliquer son propos, il compare ce gain avec celui de l'argent. Beaucoup de gens, en effet, passent leur temps à faire des choses pour gagner de l'argent. Les chrétiens, eux, agissent pour obtenir l'Esprit Saint. Toutes leurs œuvres n'ont qu'un seul but : être participants de la vie divine, par l'action du Souffle de Dieu. La comparaison entre l'Esprit Saint et l'argent peut paraître audacieuse, et pourtant, elle nous dit quelque chose du don de Dieu. Car l'Esprit est le Don par excellence, comme je le disais à l'instant. Au lieu de courir vers les biens de la terre, les chrétiens passent leur vie à courir vers les biens du ciel. Ils ne méprisent pas l'argent, mais pour eux, ce n'est qu'un moyen, et non un but. Jésus nous explique en effet que nul ne peut servir deux maîtres (…). On ne peut servir Dieu et Mammon (Mt 6,24).

Peut-on dire pour autant que l'obtention du Saint Esprit est un but en soi ? Là aussi, nous pouvons faire jouer la comparaison avec le don matériel qu'est l'argent. Si l'on cherche à posséder l'argent, et que nous en faisons un but et non plus un moyen, il perd de son sens. Car le rôle de l'argent, c'est justement de permettre d'acheter quelque chose avec. C'est la même chose avec l'Esprit Saint ; si nous cherchons à le retenir pour lui-même, et non pour nous permettre de vivre avec Dieu, il s'échappe ! Nul ne sait ni d'où il vient, ni où il va (Jn 3,8), il nous file entre les doigts, dès que nous cherchons à le garder pour nous. En fait, avec le Saint Esprit, c'est un échange, c'est un commerce permanent, comme avec l'argent. Comme notre souffle, nous ne pouvons pas le retenir.

La séquence que nous avons chantée tout à l'heure nous dit dans un verset que l'Esprit est pater pauperum, « père des pauvres », et aussi qu'il est « dispensateur des dons ». Dieu est la source, l'origine de toute richesse, de tout don qui s'exprime de multiples manières. Le Père se manifeste à nous par la présence de son Fils dans le monde. Mais il va encore plus loin en venant en nous, jusqu'au plus profond de notre esprit humain, jusque dans notre pauvreté abyssale. Chacun de nous peut l'entendre dans sa « langue maternelle », c'est-à-dire que Dieu vient demeurer dans notre matrice, notre vide intérieur, dans ce que nous avons de plus personnel et intime. Sans lui, notre Consolateur, nous ne pourrions pas vivre. Sans lui, nous sommes démunis, précaires, comme un enfant sans sa mère. Précarité et prière, ces deux mots ont la même étymologie. Par la prière, nous implorons Dieu de venir faire sa demeure en nous par son Esprit, car nous savons que sans lui, rien n'est possible. Il s'agit de nous laisser traverser par Dieu, en lui laissant la porte ouverte, mais sans chercher à le retenir. Et même si nous verrouillons les portes, comme les apôtres apeurés, Dieu trouve toujours une faille pour nous transmettre son Souffle par la venue du Christ qui donne la Paix.

Frères et sœurs, la venue du Saint Esprit est un miracle permanent. A tout moment, il nous faut le demander comme des mendiants, comme des pauvres. Nous avons tout à gagner à rechercher cette richesse, cette gloire de Dieu qu'est l'Esprit, afin de pouvoir accéder avec le Christ à la vérité tout entière, à la parfaite connaissance du Père. Recherche de la vérité qui est un combat de chaque instant contre nous-mêmes, et qui demande de notre part un témoignage, un martyre. L'Esprit Défenseur est là pour nous assister dans ce combat pour la vérité. Il nous garde auprès de Dieu, en Dieu.

Seigneur, « Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes », agis en nous par la variété de tes dons. Toi qui es le Feu de nos vies, réchauffe ce qui est froid, lave ce qui est souillé, guéris ce qui est blessé, toi le « salut final, dans la joie éternelle ». Amen.

F. Columba