Nuit de Noël Lc 2, 1-14
Frères et sœurs, Dieu est un bébé ! Oui, le Dieu tout-puissant, celui qui a créé l'univers, tous les éléments du monde, les plantes, les animaux et enfin l'humanité, ce Dieu-là a daigné venir habiter au plus près de nous, être « avec nous » en la personne d'un petit enfant, son Fils, l'Emmanuel. Le Dieu libre, immuable, éternel, lui qui transcende toute créature et règne au-dessus de toute réalité, ce Dieu-là a consenti à se laisser restreindre, à se laisser enfermer et emmailloter dans le cadre étroit de notre humanité, de notre finitude. Pourquoi celui qui est si immense a voulu se faire si petit ? Mais n'est-ce pas précisément parce qu'il est infiniment grand qu'il a pu réaliser une telle chose ?
Souvent, les enfants veulent paraître plus grands que leur âge. Ils s'imaginent déjà adultes, en jouant à la poupée, ou au tracteur. Toujours, ils veulent se grandir. Et quand ils sont devenus adultes, ils continuent de se hausser pour avoir une plus belle maison que le voisin, une plus grosse voiture que le collègue. Les hommes n'ont de cesse de se mettre en quête du pouvoir, dès leur plus jeune âge. Et nous savons que rechercher le pouvoir, c'est un aveu de faiblesse. Dieu, à l'inverse, ne cherche qu'une chose, c'est de s'abaisser, de vouloir se faire le plus petit en nous rejoignant. Il est tellement grand et puissant qu'il ne peut qu'entrer dans ce mouvement de l'humilité. Nous qui sommes petits, au contraire, nous avons bien du mal à rester dans cette condition, à nous en contenter.
Alors se produit la rencontre inattendue entre l'homme qui veut se grandir et Dieu qui veut s'abaisser. Et si l'homme accueille le Dieu qui descend vers lui sous les traits d'un enfant, il n'a plus besoin de vouloir être grand. Il suffit qu'il reste lui-même, et qu'il s'identifie à cet Enfant venu de Dieu. Dans cette communion, cet « admirable échange » des deux natures humaine et divine, c'est là que se communiquent à l'homme la force et la grâce qui le font demeurer puissant jusque dans sa fragilité. Sur l'Enfant de Bethléem, l'insigne du pouvoir est donné. Dans sa faiblesse, il reste le Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix. Avec lui, en lui, nous sommes prêtres, prophètes et rois. Par la grâce du baptême, nous avons reçu ce don de la divinité. En Jésus, la grâce de Dieu s'est manifestée. Nous étions attirés par les convoitises de ce monde, dit saint Paul, celles qui nous poussent vers l'orgueil et la démesure. En venant à nous, Dieu nous accorde ce que nous recherchions, la puissance, mais en la convertissant, en la subvertissant. Oui, Dieu a subverti la notion de pouvoir. Il nous invite à faire de même, en assumant notre faiblesse et notre vulnérabilité. C'est cela qui est la véritable force de Dieu en nous. Quand nous opérons cette conversion, nous pouvons rejoindre toutes les personnes qui souffrent dans le monde, et leur redonner la dignité qu'elles pensent avoir perdu.
Alors, à la suite de Jésus, soyons forts de la force des enfants, des tout-petits qui dépendent des autres parce qu'ils ne peuvent pas faire autrement. Soyons dans la joie de cette rencontre entre Dieu et notre humanité, heureux du fruit de cette rencontre qu'est la naissance du Christ. Avec lui, nous serons vraiment des « dieux », si nous sommes vraiment des hommes et des femmes. Amen.
Fr. Columba