Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l'Univers (B) Jn 18, 33b-37
Frères et sœurs, aujourd'hui Jésus nous dit quel est sens de sa vie, de sa mission dans ce monde. Et il nous dit aussi quel est le sens de notre vie de chrétiens. À Pilate, qui l'interroge sur son identité (« Est-tu le roi des juifs ? »), il répond : « Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité, écoute ma voix. ».
Jésus nous dit ici deux choses :
1. Tout d'abord, pour lui, être roi ne veut pas dire dominer ses sujets, exercer sur eux un pouvoir oppressant, faire de nous ses esclaves. Être roi, c'est « rendre témoignage à la vérité ». Le roi, que le Christ est, se définit dans son rapport à la vérité et non pas au pouvoir.
2. Jésus dit ensuite que son royaume ce sont ceux qui « appartiennent à la vérité » et qui « écoutent sa voix ».
Le sens de la vie et de la mission du Christ, c'est donc « rendre témoignage à la vérité ». Le sens de notre vie chrétienne, de notre mission, c'est « appartenir à la vérité ». Qu'est-ce que cela veut dire pour nous ? Appartenir à la vérité ne veut pas dire savoir des choses sur Jésus, connaître les dogmes, connaître la Bible, la théologie, parler de la vérité ou dire à quelqu'un ses quatre vérités. Appartenir à la vérité veut dire la vivre, l'incarner dans sa vie, être témoin de la vérité par sa vie.
En l'an 203, à Carthage, au moment des persécutions des chrétiens, deux femmes catéchumènes ont donné leurs vies pour la Vérité : SS. Perpétue et Félicité. La première avait 22 ans, elle avait un fils qu'elle allaitait encore en prison. Son père non-croyant venait la visiter en prison et essayait de la convaincre d'abandonner la foi chrétienne : son fils a besoin d'elle, ses parents âgés ont aussi besoin d'elle. Voici comment Perpétue raconte ce qui s'est passé :
Nous étions encore, dit-elle, avec nos policiers et mon père avait les mots les plus habiles pour me détourner, les plus tendres et les plus pressants pour me faire succomber.
« Père, lui dis-je un jour, voyez-vous ce vase qui gît à terre, pichet ou que sais-je ?
« Oui » dit-il.
Je lui dis : « Peut-on lui donner un autre nom que ce qu'il est » ?
Il répondit : « non ».
« Moi non plus : je ne puis me dire autre chose que ce que je suis : chrétienne ».
Le récit continue. Les deux femmes ont été jetées dans l'arène pour être tuées par des animaux sauvages :
La première, Perpétue fut jetée en l'air. Elle retomba sur le dos. À peine assise, voyant sa tunique déchirée sur le côté, elle la ramena pour se couvrir la cuisse, plus soucieuse de la pudeur que de la douleur. Puis elle prit une épingle et rattacha ses cheveux dénoués : il était indigne d'une martyre de souffrir les cheveux en désordre, sous peine de paraître pleurer à l'heure même de son triomphe. Quelle dignité !
Certes, nous ne vivons plus aujourd'hui dans le même contexte que Perpétue et Félicité (en tout cas en France), mais nous aussi, nous sommes chrétiens, et nous avons à vivre notre appartenance à la vérité, à notre manière. Par notre baptême, nous sommes prêtres, prophètes et rois. Être roi, c'est participer à la royauté du Christ, c'est être rois de notre vie, c'est « rendre témoignage à la vérité » par nos décisions, nos services, voire par un martyre, c'est écouter la voix du Christ pour être ce que nous sommes, des chrétiens.
Ce témoignage de vie, cette cohérence de la foi, cette appartenance à la vérité, ne sont pas uniquement le fruit notre effort personnel, de notre volonté. C'est avant tout l'œuvre de Dieu en nous. Pierre Teilhard de Chardin, en parlant du Christ cosmique, on pourrait dire du Christ-Roi de l'univers, écrit :
« Créer, achever et purifier le Monde, lisons-nous déjà dans Paul et Jean, c'est pour Dieu l'unifier en l'unissant organiquement à soi. Or comment l'unifie-t-il ? En s'immergeant partiellement dans les choses, en se faisant « élément », et puis, grâce à ce point d'appui trouvé intérieurement au cœur de la Matière, en prenant la conduite et la tête de ce que nous appelons maintenant l'Évolution. (…) Et quand il (le Christ) aura ainsi tout assemblé et tout transformé, (…) alors, nous dit saint Paul, « il n'y aura plus que Dieu, tout en tous ». (Pierre Teilhard de Chardin. « Le phénomène humain. », Éd. du Seuil, Paris, 1956, p. 327)
Frères et sœurs, le Christ, Roi de l'Univers, « le témoin fidèle », l'Alpha et l'Oméga du temps et de l'histoire, lui vers qui tout converge et en qui tout sera réconcilié, il s'est fait homme pour « rendre témoignage à la vérité », pour dévoiler le sens du monde. Il s'unit « organiquement » avec nous par le fait qu'il habite déjà en chacun de nous. Alors laissons cette vérité divine en nous advenir dans notre vie, se déployer, s'accomplir. Amen.
F. Maximilien