Mercredi des Cendres Mt 6, 1-6.16-18

Frères et sœurs, nous allons recevoir des cendres, d’une manière un peu différente des autres années (cette fois-ci, vous les recevrez dans la paume de la main, et vous vous signerez vous-mêmes d’une croix sur le front). Que nous dit la symbolique des cendres ? Qu’il reste l’essentiel. Presque tout est parti en fumée, sauf quelques particules fines qui subsistent. Quand un corps est incinéré, une petite boîte suffit pour le contenir. Les cendres disent donc que nous sommes invités, pendant ce carême, à vivre l’essentiel de la vie chrétienne, sans fioritures, sans apparats, sans aucun artifice. Le feu est passé sur nous, et il ne reste qu’un peu de poussière prête à s’envoler au moindre coup de vent. La poussière, la cendre, c’est ce que nous sommes : un souffle. C’est de là que nous venons, et c’est là que nous allons. Souviens-toi que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière.

L’évangile que nous avons entendu nous renvoie aussi à cet essentiel de notre vie, dans la relation à Dieu et au prochain. Pour faire l’aumône, il n’y a pas besoin d’en rajouter, de sonner de la trompette. Pas besoin de feu d’artifice ! Dans la vie spirituelle comme dans la vie de charité, il est tentant de rester à l’extérieur, pour se montrer aux hommes, ou bien se montrer à soi-même qu’on n’est finalement « pas trop mal ». C’est le réflexe du pharisien, quand il prie : Je te rends grâce, Seigneur, de ne pas être comme ce publicain… La liturgie elle-même peut devenir un spectacle si la prière devient un rite creux, dénué de son essentiel.

Le but du carême, finalement, c’est de nous faire revenir (par la metanoia, la « conversion ») au cœur de notre être créé par Dieu. Il faut enlever les voiles qui recouvrent ce centre de notre être. Ce centre est souvent comme un noyau entouré d’une coque protectrice. Il est normal de se protéger, évidemment. Mais cette protection doit être transitoire, passagère. Elle doit comporter une part de fragilité, afin de pouvoir donner son fruit. Si une coque de noix est trop dure, il est possible que l’on n’arrive pas à la casser... La coquille de l’œuf doit s’ouvrir pour libérer le poussin quand il vient à terme. Le carême doit nous aider à descendre en nous-mêmes, pour retrouver ce qui fait le cœur de notre vie chrétienne. Pour cela, nous devons demander à Dieu de nous libérer de nos peurs, car sortir de sa coquille peut être angoissant. Nous étions habitués à un certain confort, une vie bien au chaud dans le cocon maternel ; il va falloir affronter un nouvel environnement, une certaine liberté qui peut déstabiliser. Cette liberté nous met précisément dans une situation de grande insécurité, comme le nouveau-né qui arrive dans un monde hostile, mais qui est accueilli par ses parents.

N’ayons pas peur de déchirer notre cœur, d’aller à l’intérieur plutôt que de rester toujours à l’extérieur en déchirant nos vêtements. En sortant des apparences de l’artifice et en descendant en nous-mêmes, c’est là que nous pourrons rencontrer le Dieu tendre et miséricordieux qui nous réconcilie avec lui. Il est notre Père, toujours présent dans le secret de notre vie ; il nous voit tels que nous sommes, dans notre nudité d’enfants bien-aimés. Cela devrait nous rendre joyeux, et non pas tristes avec une « face de carême » !

Demandons à Dieu de nous donner un cœur pur, de mettre en nous un cœur et un esprit nouveau, dépouillé de toute vanité et de tout artifice. Afin que nous puissions lui offrir un sacrifice de louange, un sacrifice qui soit digne de lui. Amen.

fr. Columba