Ascension (B) Mc 16, 15-20
Frères et sœurs, pour ceux d'entre vous qui étaient présents à la veillée pascale, vous vous souvenez peut-être (si vous n'étiez pas trop fatigués !) que l'évangile de Marc se terminait de manière abrupte sur ces mots (16,8) : Elles (les femmes) ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. Ce qui explique (peut-être) pourquoi plusieurs copistes ont cherché à combler le vide et le manque de foi des femmes au tombeau en ajoutant les versets suivants, dont nous lisons une partie aujourd'hui.
Si nous récapitulons, voici donc successivement les événements : un jeune homme vêtu de blanc annonce aux femmes que Jésus est ressuscité ; il leur demande de le dire à Pierre et aux autres disciples, mais les femmes s'enfuient en prenant peur. Ensuite, Jésus ressuscité apparaît à Marie-Madeleine. Celle-ci l'annonce aux apôtres, mais ils n'y croient pas. Même chose quand ce sont les disciples d'Emmaüs qui rapportent la résurrection. Les autres n'y croient toujours pas. Il faut donc que le Christ en personne vienne vers les onze apôtres, en leur reprochant leur incrédulité, pour que ceux-ci daignent ouvrir leur cœur. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'ils sont envoyés dans le monde entier pour témoigner de la bonne nouvelle. Notez que le verbe « croire » revient encore une fois, comme pour marteler définitivement le propos : Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils chasseront les esprits mauvais, etc. Ouf, çà se termine bien ! Les apôtres croient enfin en Jésus ressuscité, et ils peuvent l'annoncer au monde. C'est le moment pour le Christ de repartir au ciel, d'où il vient. Il a accompli sa mission : nous croyons désormais qu'il est véritablement l'envoyé du Père, et qu'il siège à sa droite. En effet, comment l'annoncer, comment être envoyé pour parler de lui, si nous ne croyons pas que lui-même a été envoyé par Dieu ?
Marc nous parle aussi de « signes » qui accompagneront ceux qui deviennent croyants. Certains chassent les esprits mauvais, d'autres parlent un langage nouveau, d'autres encore prendront des serpents dans leurs mains… Qu'est-ce que cela signifie ? Jésus nous dit tout simplement que, lorsqu'il vient, le Royaume de Dieu s'accomplit sur la terre. Ce qui est impossible en ce monde devient possible. Le loup habite avec l'agneau, le léopard se couche près du chevreau (…) le nourrisson s'amuse sur le nid du cobra. C'est la prophétie d'Isaïe (11,6-8) qui devient réalité. Le mal semble apprivoisé, dompté. Il n'est plus une fatalité. En effet, nous voyons bien qu'au long de son ministère, Jésus a passé son temps à opérer des miracles, des guérisons, des exorcismes. Maintenant, c'est à nous, ses disciples, qu'il laisse ce pouvoir. Il repart au ciel, mais il nous donne son Esprit Saint qui accomplit son œuvre, la même que celle pour laquelle le Père l'avait envoyé. En fait, quand Jésus est venu sur la terre, il a apporté avec lui tout ce qui était céleste, et quand il retourne au ciel, il prend avec lui ce qui est terrestre. Il nous emmène avec lui, dans son Royaume. Et ce Royaume est déjà commencé sur la terre. Dans le livre des Actes des Apôtres, Jésus dit aux Onze qu'il ne leur appartient pas de connaître les délais et les dates que le Père a fixés dans sa liberté souveraine. Il leur faut recevoir « une force », celle de l'Esprit Saint qui leur sera donné en temps voulu, pour pouvoir annoncer le Règne de Dieu. Oui, saint Paul le dit aux Ephésiens : Dieu déploie pour nous, les croyants, une puissance infinie. C'est la force même, la vigueur, qu'il a mis en œuvre dans le Christ quand il l'a ressuscité d'entre les morts et qu'il l'a fait asseoir à sa droite dans les cieux. Il l'a établi au-dessus de toutes les puissances et de tous les êtres qui nous dominent.
Frères et sœurs, que nous dit concrètement l'Ascension du Seigneur ? Ce n'est pas un beau spectacle qu'on regarde d'une manière extérieure, comme une fusée qui décolle. Il ne s'agit pas d'un effet spécial, comme dans les films américains avec des super héros qui défient les lois de la gravité ! Non, si Jésus est emporté au ciel, c'est pour nous dire que nous le rejoindrons un jour dans cette direction. Comme le dit l'oraison de cette messe : il nous a précédés dans la gloire auprès (du Père), et c'est là que nous vivons en espérance. La tête de l'Eglise, le Christ, est au ciel. Et donc, nous y sommes déjà un peu avec lui. Nous le voyons bien : au fond de chacun d'entre nous, il y a un désir de plénitude, une volonté de vivre mieux et de façon plus absolue. Jésus nous remet en contact avec nos racines divines qui sont au ciel. C'est de là que nous venons, et c'est là que nous allons, avec lui. Ce ciel est notre patrie véritable. Sur cette terre, nous ne sommes que des étrangers, des gens de passage (He 11). Il nous faut contempler le ciel pour pouvoir mieux vivre sur la terre, et féconder celle-ci de la parole céleste qu'est le Verbe de Dieu. Demandons cette grâce de nous laisser attirer et emporter par la profondeur du ciel, afin que notre vie d'ici-bas puisse gagner en amplitude et en densité. Tendons les mains vers Dieu, plongeons nos racines vers le Père de qui vient toute vie. Soyons dans la joie pour cette espérance du Royaume qui nous est donnée. Nous ne sommes pas seuls. Le Christ nous promet de revenir, et en attendant son retour, d'habiter en nous par son Esprit. Amen.
F. Columba