6° Dimanche du Temps Pascal (B) Jn 15, 9-17

Frères et sœurs, quand il fait beau, surtout en été, on peut observer au-dessus de la Montagne Noire, de nombreux parapentistes qui planent, qui savourent une vue imprenable d'en haut sur la région, qui sentent de la douceur et de la fraîcheur du vent qui les porte. Justement, le vent les porte, mais pour ne pas descendre trop vite, il est important de capter le bon courant, savoir jouer avec le vent.

Dans l'évangile d'aujourd'hui Jésus dit : « Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimé. Demeurez dans mon amour. » L'amour de Dieu pour nous est ce que le courant de vent est pour les parapentistes, le courant qui les porte et dans lequel il est important de rester pour ne pas tomber. Animés par ce courant d'amour nous essayons d'y rester, d'y demeurer. Cet amour nous élève, élargit nos horizons, nous permet de vivre des sensations inoubliables, et tout d'abord la sensation d'être enfants de Dieu, les enfants qu'il a voulus, choisi, qu'il aime gratuitement, depuis l'éternité et pour l'éternité, peu importe si nous avons été désirés ou pas par nos parents.

Parfois, dans notre vie, nous avons l'impression de ne pas être aimés par Dieu, que le vent de son amour est trop faible. Du coup, nous descendons, nous nous décourageons, nous attendons passivement, nous nous dévalorisons. Alors, comme pour un bon parapentiste, il nous faut chercher le bon courant, chercher Dieu, garder la confiance, garder le bon cap.

Il arrive aussi que nous désirons un amour fort, intense, passionnel, un amour qui nous donne des ailes. Et parfois nous le vivons et cela de façon heureuse. Cependant, si l'amour est trop fort, trop fusionnel ou trop possessif, s'il nous élève trop haut, il peut devenir étouffant, oppressant, mortifère. C'est comme le vent pour les parapentistes, s'il est trop fort (comme le vent d'Autan aujourd'hui), s'il élève le parapentiste trop haut, celui-ci risque sa santé, voire sa vie. Pensons à Icare, qui, certes, s'est échappé du Labyrinthe de Crète grâce aux ailes de plumes fixées avec de la cire. Mais il s'est levé trop haut, trop près du soleil, et il est tombé fatalement dans la mer Égée et il est mort. Heureusement, l'amour de Dieu est juste, chaste, comme il faut, suffisent. Il n'y a pas de risque de chute avec Dieu.

Capter le bon courant de l'amour de Dieu et y rester n'est pas toujours évident. C'est un chemin, une recherche permanente. S. Pierre en sait quelque chose. S. Luc nous raconte dans son évangile (Lc 5, 1-11) qu'un jour, après une nuit où il n'a pêché aucun poisson, Jésus est arrivé et après avoir enseigné depuis sa barque, a demandé à Pierre, qui n'était pas encore son disciple, d'avancer au large et jeter les filets pour la pêche. La pêche a été si abondante que Simon-Pierre a pris peur et il « tomba aux genoux de Jésus, en disant "Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur" ».

Nous retrouvons une scène assez semblable dans les Ac (la 1° lecture d'aujourd'hui). Cette fois, c'est Corneille, un centurion de l'armée romaine, qui tombe et se prosterne devant Pierre qui vient le voir. Pierre lui dit (littéralement) : « Lève-toi. Et moi-même je suis un homme ».

Remarquons que Pierre est passé de « je suis un homme pécheur » (d'avant que Jésus l'appelle) à « je suis un homme ». Alors, il n'est plus pécheur, lui qui a renié Jésus trois fois, il ne commet plus de péchés ? Certainement, il reste pécheur, mais ce n'est plus cela qui compte. Jésus lui a montré qu'il l'a aimé même s'il était pécheur, voire parce qu'il était pécheur. Pierre pourrait dire maintenant à Corneille : « Je suis un homme aimé », pas seulement « aimable, digne d'amour, méritant l'amour », mais « aimé », tout simplement. C'est un constat. Pierre a su capter le bon courant de l'amour de Dieu, ou plutôt, c'est ce courant qui l'a capté et il s'est laissé faire.

Frères et sœurs, pour demeurer dans l'amour de Dieu, nous n'avons pas besoin de pratiquer la parapente (surtout si nous avons des vertiges). Ce courant, cette énergie de Dieu, nous la retrouvons déjà en nous (à l'intérieur de nous), entre nous (on sent quand le courant passe) et dans nos décisions. Si nous sommes venus ici, à l'Eucharistie, c'est aussi pour retrouver cette énergie divine, pour nous laisser porter par l'Esprit Saint qui est l'amour de Dieu en personne, pour nous ajuster à ses fréquences.

Alors, demandons à l'Esprit Saint de souffler dans nos vies, de nous imprégner de son amour et de mettre au courant (si je peux dire) aussi les autres, nos frères et sœurs en humanité.

F. Maximilien