5° Dimanche du Temps Pascal (B) Jn 15, 1-8

« Demeurez en moi, comme moi en vous. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit ». Frères et sœurs, le mot « demeurer » : à quoi nous fait-il penser ?

A quelque chose de profond, tout le contraire du superficiel ? Sûrement, et nous y reviendrons.

Mais « demeurer » évoque-t-il en même temps pour vous quelque chose d'actif, qui bouge ; ou bien une ambiance de calme, de retrait, de silence ? C'est précisément là que notre imaginaire risque de prendre le pas sur la réalité des Évangiles.

Car le côté profond que suggère le mot « demeurer » ne doit pas être automatiquement assimilé à du calme, du retrait et du silence.

Voyons-nous le Christ dans les Évangiles rester toute sa vie bien au calme, dans la maison familiale, vivant en retrait ? pas du tout, que du contraire même !

Bien sûr, il se retirait dans des endroits déserts pour prier le Père, mais cela le mettait ensuite en mouvement, parcourant en tous sens la Palestine, allant sans cesse vers d'autres villes et villages, à la rencontre de ses frères et sœurs en humanité.

Ainsi, demeurer dans ce Christ-là, celui des Évangiles et non celui de nos imaginaires, est éminemment quelque chose d'actif, qui nous met en mouvement. Cela n'exclut évidemment pas la prière, mais une prière qui nous met dans ce mouvement, qui est celui du Christ.

Je vous propose trois figures de sainteté pour nous y aider, et pas n'importe qui : Ignace de Loyola, François de Sales, Vincent de Paul.

Tout d'abord, Saint Ignace de Loyola dans sa célèbre maxime : « chercher et trouver Dieu en toute chose ». Chercher Dieu en toute chose … et Le trouver alors, en toute chose. Voilà une belle et large déclinaison du « Demeurez en moi » de ce jour.

Saint François de Sales, autre géant de la foi et de la sainteté – avec l'humour en plus – écrit la même chose avec d'autres mots : « aimer Dieu en toute chose et toute chose en Dieu », y compris « aimer Dieu dans les choses les plus insupportables ». C'est vraiment aimer Dieu en toutes choses !

Mais comment vivre cela dans le concret ?

Du temps d'Ignace de Loyola, les jeunes frères de Coïmbra, fraîchement sortis du noviciat et désormais envoyés aux études, voulaient prier autant qu'au noviciat, donc au détriment de leurs études. Ignace de Loyola leur dit : faites oraison comme vous le demande votre état actuel ; vous faites des études, vous trouverez Dieu aussi dans vos études. Cherchez et trouvez Dieu en toutes choses !

Du temps de Saint Vincent de Paul, des Filles de la Charité étaient tiraillées quand un malade sonnait pendant l'oraison. Bien sûr, il fallait y aller ; mais fallait-il rattraper les minutes ainsi passées hors de l'oraison ?

Vincent de Paul écrit : « ce n'est point quitter Dieu que quitter Dieu pour Dieu ». Si l'oraison communautaire n'est pas achevée quand vous serez de retour, reprenez votre oraison : « ce n'est point quitter Dieu que quitter Dieu pour Dieu ».

Rappelons-nous la question des justes dans la parabole du jugement dernier chez saint Matthieu « Quand sommes-nous venus jusqu'à toi ? chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait ». Ce n'est donc point quitter Dieu que quitter Dieu pour Dieu !

Frères et Sœurs, vous voyez l'exigence de discernement que nécessite cette vision large des choses. Dire : « mon travail, c'est ma prière », c'est peut-être très vrai mais c'est peut-être aussi un peu court !

Ce demeurer en Dieu de manière active présuppose un désir profond de la prière, un désir qui se traduise dans le concret du temps passé pour Dieu. C'est Élisabeth de la Trinité qui comparait Dieu à un artiste peintre ; elle disait : il ne faut pas que le tableau se mette sans cesse à gigoter !

Frères et Sœurs, nous montons vers Pentecôte. C'est l'Esprit Saint qui fait demeurer le Christ en nous et qui nous fait demeurer en Lui, au plus profond de nous-mêmes.

Un Abbé Général disait aux moines de sa Congrégation : il est indispensable de mettre au centre de notre vie et de notre cœur la relation avec Dieu, l'expérience de Dieu. Car, en regardant les communautés monastiques, je me pose des fois la question : Est-ce qu'ils rencontrent vraiment Jésus ? Ont-ils une relation vivante avec lui ? Vivent-ils par lui, avec lui, en lui ?.

« Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire ».

Frères et Sœurs, il s'agit de demeurer activement en Christ et de le faire au plus profond de nous. De vivre profondément et de manière active par Lui, avec Lui, en Lui.

C'est l'Esprit Saint qui réalise ce travail en nous. Offrons-nous les uns les autres à Son action.

Alleluia

 

Fr. Jean-Jacques