5° Dimanche de Carême (B) Jn 12, 20-33
Avec les grecs, nous montons à Jérusalem la ville de la paix pour adorer Dieu. Avec les grecs nous désirons voir Jésus. Comme eux, nous avons toujours à quitter un certain monde pour adorer en vérité le Prince de la Paix. Comme eux, nous avons à nous détacher d’une certaine vision du monde parfois trop superstitieuse, trop pessimiste ou idéaliste. Comme eux, nous avons à traverser bien des embûches culturelles, sociales, familiales, bien des préjugés, des a priori pour rester à l’écoute d’un appel mystérieux qui nous conduit à désirer voir Jésus et entendre sa voix.
C’est un pèlerinage du cœur et du corps pour monter voir Jésus. C’est sans cesse une migration de l’âme de se quitter soi-même pour se mettre sous son visage, sous son regard, pour se mettre à la portée de sa voix, pour être accueilli en son sein.
Et Jésus comprend à ce désir des grecs qu’il est temps pour lui aussi de monter vers le Père, d’accomplir sa Pâques, d’entrer dans la gloire. Il comprend que l’heure est venue d’être élevé de terre. L’heure est venue de franchir le seuil de sa vie terrestre pour ouvrir à tous les hommes, juifs et païens, la demeure du Père. Il est temps désormais d’attirer tous les hommes.
Jésus annonce sa passion et sait désormais que la fin est proche. Il va falloir passer par les humiliations, les outrages et une mort ignominieuse pour accomplir sa mission. Son âme est bouleversée. Il est parvenu à cette heure-ci pour être glorifié. Les mortifications, les souffrances, la mort sur la croix l’attendent. Jésus, le roi de gloire, sera couronné d’une couronne d’épines. Le contraste est saisissant.
En effet, le Fils de l’homme doit être glorifié mais il est un grain de blé devant mourir en terre. Aimer la vie, c’est la perdre ; s’en détacher, c’est la garder. Servir Jésus, c’est le suivre. Oui, mais jusqu’à la croix puisque c’est là le sceau de sa vie terrestre. Et c’est sur une croix qu’il doit être élevé pour attirer tous les hommes. Le contraste est saisissant et même violent.
Mais, si ce contraste et cette violence qui seront vécus au plus profond de sa chair et de son âme, Jésus en fait un signe de contradiction, ce signe est bien plus fondamentalement un signe d’espérance en réalité.
Car si nous croyons que Jésus est ressuscité et qu’il a vaincu la mort, alors, nous attestons aussi que les violences, les angoisses et les peurs qui agitent notre monde et notre humanité depuis les origines n’auront jamais le dernier mot ; quelque soit notre fin sur cette terre et l’idée que s’en font ceux qui restent. Le dernier signe de la croix n’est pas la mort de Jésus mais sa victoire sur toute mort, le triomphe de sa résurrection d’entre les morts.
En prenant sur lui injustice, mensonge, perversion, en un mot notre péché, sans avoir pour autant lui-même céder à la tentation du péché et donc sans avoir péché, Jésus révèle qu’il est l’homme accompli, l’homme véritable dans sa dignité la plus haute, sa noblesse la plus épurée qui peut compatir universellement à toute injustice, à toute humiliation.
Jésus nous annonce que le suivre en traversant comme lui les souffrances de notre monde, les épreuves de nos vies, aller comme lui au milieu du monde sans céder aux tentations mortifères, c’est monter vers la Jérusalem céleste, c’est gravir la montagne du Seigneur, c’est préparer tout son être à la vision de son visage, la face de Dieu.
Frères et sœurs, puisse sa marque, celle de sa croix dans nos cœurs, nous donner la force de traverser toutes nos croix d’ici-bas sans jamais perdre le souvenir que son visage nous attend, que son cœur nous presse, que son royaume frémit de notre arrivée. Montons à Jérusalem avec le Seigneur et lui nous dévoilera, l’heure venue, la lumière de son regard. Amen.
Fr. Nathanaël