4° Dimanche du Temps Pascal (B) Jn 10, 11-18

Frères et sœurs, dans notre imaginaire, l'expression “Bon Pasteur” peut recouvrir de nombreuses et diverses représentations. Si nous devions décerner un prix du Bon Pasteur, chacun de nous dresserait sa liste des qualités requises pour mériter un tel titre. Pour Jésus, c'est clair : la caractéristique principale, essentielle, du Bon Pasteur, ce qui doit le différencier de tous les autres, c'est qu'il « donne sa vie pour ses brebis ». C'est incontestablement le trait fort, souligné par trois fois, qui ressort de l'Évangile de ce jour.

Oui, c'est réellement la Bonne Nouvelle de ce dimanche : le Christ, le Bon Pasteur, donne sa vie pour ses brebis. Et pourquoi le fait-il ? Parce que les brebis sont à lui, elles comptent vraiment pour lui. Avons-nous suffisamment conscience de cela ? Nous appartenons au Christ, il tient à chacun de nous et chacun, quelle que soit sa vocation, compte infiniment à ses yeux ! Comme le dit avec reconnaissance le Psaume 99, « il nous a faits, et nous sommes à lui, nous, son peuple, son troupeau » (v. 3).

Cette grâce d'appartenir au Christ, elle nous vient de la relation intime qui existe entre lui et le Père : « je connais mes brebis – dit Jésus –, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ». C'est ainsi que dans la grande prière dite sacerdotale qu'il adresse au Père après la Cène, Jésus lui dira : « J'ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés. (…) Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi. » (Jn 17, 6.10)

En fait, nous ne pouvons vraiment nous comprendre que sur le fond de cette relation de Jésus au Père, dans laquelle il nous est donné d'entrer nous-mêmes, grâce à la relation que Jésus établit à son tour avec toute l'humanité, conformément à la volonté divine : dans un cas comme dans l'autre, relation qui n'est qu'amour. « Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. »

Nous sommes appelés enfants de Dieu, c'est là, littéralement, notre vocation première, notre vocation commune. De même que le Père a dit à Jésus : « Tu es mon Fils bien-aimé » (Mc 1,11 ; Lc 3, 22), de même, nous sommes appelés enfants de Dieu. Cela nous conduit à contempler le cœur de la “vocation” de Jésus lui-même et de sa propre réponse à l'appel de Dieu : « Voici pourquoi le Père m'aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. »

Ce don de sa vie, Jésus l'a accompli sur la Croix, de façon unique, parfaite et définitive. C'est pourquoi, il est, lui seul, le Bon Pasteur, le vrai berger, l'unique… comme nous avons entendu Pierre le reconnaître en déclarant qu' « aucun autre nom n'est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. » Et pourtant, Jésus ressuscité dira par trois fois au même Pierre : « Sois le berger de mes agneaux. (…) Sois le pasteur de mes brebis. (…) Sois le berger de mes brebis. » (Jn 21, 15-17) Il y a donc passage de l'unique Bon Pasteur aux pasteurs (au pluriel) que Dieu veut nous donner selon son cœur (cf. Jr 3, 15). Comme cela fut le cas pour Pierre, ce passage exige de se nouer dans un dialogue d'amour, répété, insistant : « M'aimes-tu ? », « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t'aime » (Jn ibid.).

Oui, c'est dans un tel dialogue que s'originent, se justifient et doivent se vivre toutes les vocations particulières. Aucune ne peut faire nombre avec l'œuvre unique du seul Bon Pasteur, aucune ne doit non plus lui faire ombre, mais chacune à sa manière manifeste et actualise le don que lui seul fait de sa vie pour ses brebis, celles de cet enclos et aussi toutes les autres… Il n'y a qu'à regarder le calendrier liturgique et le martyrologe de cette semaine pour s'émerveiller de la diversité et de la complémentarité de toutes ces vocations : aujourd'hui un évangéliste, St Marc, demain un moine espagnol du xxe s., St Rafael Arnáiz Barón (patron de notre f. Rafael), puis un religieux fondateur, St Louis-Marie Grignion de Montfort, et un missionnaire martyr, St Pierre Chanel, ensuite l'immense Ste Catherine de Sienne, co-patrone de l'Europe, un pape, St Pie V et enfin St Joseph, en tant que patron des travailleurs !

Le point commun, c'est que toute vocation est en fait un appel à donner sa vie, à la suite de Jésus, et en réponse à la vie qu'il a lui-même donnée pour nous. Donner sa vie, pour sans cesse la recevoir de nouveau. C'est pourquoi, toute vocation se rapporte, d'une façon ou d'une autre, à l'Eucharistie comme étant le lieu où le seul Bon Pasteur donne sa vie aujourd'hui pour ses brebis. Sur la base du Baptême et de la Confirmation, dans l'Eucharistie, toute vocation trouve sa source, sa raison d'être, son aliment, sa force, sa joie ! Parce qu'elle est son sacrement par excellence, l'Eucharistie, à l'image de Jésus, peut être comparée elle-même à cette pierre d'angle, où toutes les vocations se tiennent, à laquelle toutes se rattachent comme des pierres vivantes bien cimentées entre elles par un même amour, chacune ayant sa place bien précise et très précieuse.

À nous maintenant de rejoindre le grand désir de Dieu pour son Église et pour le monde, à nous de nous laisser rejoindre aussi, chacun, chacune, par ce désir du Bon Pasteur : il nous connaît, il nous aime et donne sa vie pour nous ! Amen.

Fr. Jean-Roch