33° Dimanche du TO*B Mc 13, 24-32

Frères et sœurs, avez-vous remarqué que le lectionnaire que nous utilisons depuis quelques années a réintroduit au début de chaque Évangile la formule que vous aviez connue naguère : « En ce temps-là ». Mais comme c'est très répétitif, on ne l'écoute plus. A la limite, on l'entend comme le « il était une fois » des contes de fées de notre enfance … Il suffit d'ailleurs de retirer le « s » : il était une foi (f-o-i) !

Voici ce qu'écrit Marie-Christine Vidal, rédactrice en chef de Panorama, dans l'éditorial d'octobre : « (…) j'aime entendre la formule "en ce temps-là" qui lance la lecture de la plupart des Évangiles. (…) elle m'évoque un ancrage résolu dans une époque donnée. Celle de Jésus, mais aussi la mienne – et c'est la puissance de cette Parole qui vit pour toujours ».

Notre page d'Évangile est ancrée dans une époque donnée. Marc écrit son Évangile à Rome entre 65 et 70 de notre ère, en pleine persécution des chrétiens par Néron. Et il place ces paroles de Jésus juste avant la Passion.
De même, la première lecture tirée du livre de Daniel est ancrée dans la période de la persécution des juifs par Antiochus Épiphane, dans les années 170-160 avant notre ère.
Voilà pour ce qu'appelle Marie-Christine Vidal : l'ancrage résolu dans une époque donnée.  

Chaque époque traduit pour son temps la signification des évènements tragiques.
Lors du tremblement de terre de 1887, l'Archevêque de Gênes déclarait que les provocations faites) à Dieu ont souvent de terribles échos. Terrible parole …
De même n'a-t-on pas écrit que la défaite de Sedan en 1870 était le châtiment de la France pour avoir abandonné le Pape Pie IX ?
Étrangement, sur la même longueur d'onde, mais cette fois en 2017, une autorité de l'Église orthodoxe russe avait déclaré à propos d'un film sur le tsar Nicolas II : « Si ce film est montré, Dieu punira la Russie. Par une catastrophe naturelle ou par d'autres moyens ».
Et que n'a-t-on pas lu ou entendu à propos de la Covid 19, châtiment de Dieu !

C'est là qu'il nous faut être attentifs aux évolutions.
En 1720, la peste s'abat sur Marseille. Une religieuse mystique, Anne-Madeleine Rémusat a des révélations sur la cause de ce malheur : la colère de Dieu. Le Pape Clément XI écrit : « le Seigneur a coutume de se servir de ces sortes de fléaux pour faire éclater d'une manière indubitable sa colère contre les peuples ». Ancrage dans une époque …
Ce qui est intéressant, c'est que 300 ans plus tard, en 2020 – en pleine pandémie de la Covid – l'actuel Archevêque de Marseille, Mgr Aveline tient un tout autre langage.
Il relève – et je le cite – que : « le vil appât du gain fit entrer dans ses murs le terrible fléau ». En effet, malgré de forts soupçons de peste à bord d'un navire, les notables qui avaient financé l'expédition firent jouer leurs relations pour que la cargaison soit débarquée, en dépit des règles sanitaires de quarantaine du navire. Mgr Aveline relève aussi que les Échevins et les autorités sanitaires, pensant à sur une contagion limitée, n'ont pas pris à temps les mesures nécessaires. Enfin, faisant le parallèle avec la pandémie du Covid, il déclare : « Aujourd'hui comme hier, une question résonne avec force : qui l'emportera, la peur ou l'espérance, l'exploitation de l'ignorance ou l'éveil des consciences ? ».

Frères et sœurs, c'est exactement ce qui arrive à notre Église en ce moment suite au rapport de la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l'Église. On n'a pas vu ou on n'a pas voulu voir et on a laissé prospérer des œuvres de mort parfois même au cœur de ce que l'Église a de plus cher : le sacrement de l'Eucharistie et le sacrement de la réconciliation. Cela équivaut à une profanation. L'évêque de Nantes prévoit d'ailleurs une messe de réparation le 25 mars prochain pour ce qui s'est passé dans son diocèse.
Un jour, pour s'emparer du ciboire, un voleur à jeté des hosties consacrées dans la boue. On a demandé à l'évêque du diocèse une messe de réparation. Au cours de cette messe, il a déclaré : « Chaque jour ici, des milliers d'hommes et de femmes vivent dans des bidonvilles, vivent dans la boue et fouillent dans les ordures pour manger. Ils sont aussi le Corps du Christ jeté dans la boue ». Cet évêque s'appelait dom Helder Camara.
L'enfant abusé est le visage même de ce qui est accompli dans l'Eucharistie. L'enfant abusé, parfois dans la sacristie juste avant la messe, est l'Innocent bafoué dont nous faisons mémoire dans l'Eucharistie. Comment ce lien si puissant a-t-il pu échapper aux agresseurs ?
Telle est, frères et sœurs, l'étendue du désastre.
Je reprends les paroles de Mgr Aveline : « une question résonne avec force : qui l'emportera, la peur ou l'espérance, (…) l'ignorance ou l'éveil des consciences ? ».
C'est précisément là qu'il nous faut revenir à la Parole de Dieu, à la force que donne la Parole de Dieu qui nous rejoint tant en ce moment. Puiser à la source d'espérance du Livre de Daniel dans la première lecture.

Frères et sœurs, reprenons l'éditorial de Marie-Christine Vidal dans Panorama.
« (…) j'aime entendre la formule "en ce temps-là" qui lance la lecture de la plupart des Évangiles. (…) elle m'évoque un ancrage résolu dans une époque donnée. Celle de Jésus, mais aussi la mienne – et c'est la puissance de cette Parole qui vit pour toujours ».
Elle poursuit : « Ce temps-là m'appartient, nous appartient. Pas d'autre urgence que de le prendre (…) ». Ainsi soit-il.

Fr. Jean-Jacques