32° Dimanche TO*B Mc 12, 38-44

Dans la prière d'ouverture nous avons demandé d'être libres : « que nous soyons libres pour accomplir la volonté de Dieu ». Nous sommes ici pour cela. Je me surprends à le demander aussi pour les chefs d'État des pays les plus riches de la planète réunis d'abord à Rome pour le G 20 puis à Glasgow pour la COP 26 sur le climat. La liberté qui nous ouvre à ce que Dieu veut pour chacun, chacune de nous, pour l'humanité ; cela suppose une éducation du regard. N'est ce pas ce que vient de nous dire la Parole de Dieu? Le regard de Jésus veut éduquer, former le nôtre.

Son regard s'arrête sur une « pauvre veuve » si « pauvre » qu'elle peut se permettre, justement, d'être libre, de se donner, pourrait-on dire, la satisfaction, non seulement de jeter dans « le trésor du Temple plus que tous les autres », mais d'y faire glisser – d'un geste si discret et si noble en même temps – « tout ce qu'elle avait pour vivre ». Jésus ne se contente pas d'admirer ce geste, dans lequel il reconnaît l'action même de l'Esprit Saint, mais il veut faire partager aux disciples, à nous, son admiration pour leur éviter et nous éviter de tomber dans le piège de la tentation des pharisiens qui, « pour l'apparence, font de longues prières et qui seront d'autant plus sévèrement jugés », ou dans la tentation de se contenter de discours qui ne sont pas ou si peu suivis d'actes.

Mais qu'est-ce donc qui distingue tellement de l'attitude des pharisiens le geste de cette pauvre veuve  ? La générosité ? Non pas ! Ce qui caractérise le geste de cette veuve, c'est la discrétion, le silence qui fait de ce don – qu'il soit modeste ou généreux – le signe de la totalité de son engagement et de son offrande. La discrétion et le silence sont le propre de l'amour et donc capables de donner aux plus petits gestes, aux gestes les plus ordinaires de notre quotidien, une extraordinaire grandeur, une extraordinaire solennité, car ils deviennent ainsi capables de révéler le cœur même de Dieu qui est Amour.

Les deux veuves dont nous parle la liturgie de ce jour, celle du temps du prophète Élie, dans  la première lecture, et celle de l'Évangile, nous renvoient, par la qualité  de leur humanité, au mystère même de la Pâque de Jésus qu'évoque la Lettre aux Hébreux, dans la deuxième lecture. Jésus, par son unique sacrifice, par le don de sa vie une fois pour toutes, donne à tout geste humain, à chacun de nos gestes, dans les petites comme dans les grandes choses, une plénitude  de sens et une valeur infinie. La veuve du temps du prophète Élie, fait confiance à la parole du prophète qui semble, pourtant, bien exigeante et presque injuste : « Apporte-moi un morceau de pain… » alors que cette femme n'a rien : « Je n'ai pas de pain. J'ai seulement une poignée de farine et un peu d'huile. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. » Mais voici que face à la mort, la confiance de cette femme en la parole du prophète, fait surgir comme une insurrection de la vie. C'est ce qui arrive lorsque la vie est donnée sans réserve – comme Jésus dans le mystère de sa Passion et de sa Résurrection - : « Ainsi parle le Seigneur : Jarre de farine point ne s'épuisera, vase d'huile point ne se videra… ». C'est la surabondance de l'amour, de la vie donnée jusqu'au bout !

L'eucharistie que nous célébrons en ce dimanche nous fait participer au mystère du don total et unique du Corps et du Sang du Christ, pour le salut du monde. Le sacrifice unique du Christ, l'offrande de son Corps et de son Sang une fois pour toutes,  contient la seule puissance de l'amour qui fait jaillir la vie de toute mort consentie. Seule la puissance de l'amour de Dieu, manifesté dans la Pâque de Jésus, a la puissance de bâtir l'Église, l'humanité et chacune de nos histoires et de nos vies, non seulement avec ce que nous vivons de beau, d'heureux, mais avec les crises, les épreuves qui traversent l'histoire de l'humanité, de l'Église, chacune de nos histoires personnelles et communautaires. Quand les nations riches, les puissants de ce monde et nous avec eux, comprendront-ils, quand comprendrons-nous que les pauvres sont nos « maîtres », puisque dans le Royaume de Dieu « les derniers seront premiers » ; quand comprendrons-nous que leur faire place dans nos vies, en apprenant d'eux le partage, c'est notre propre bonheur que nous assurons et l'avenir de notre planète ; c'est ainsi que nous devenons et deviendrons toujours plus « libres pour accomplir ta volonté, Seigneur ». AMEN !

F. André-Jean