3° Dimanche du Temps Pascal (B) Lc 24, 35-48
Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est, je le suppose, parce que nous croyons que Jésus est ressuscité… mais aussi parce que nous vivons du Ressuscité, une vie joyeuse, une vie libre, une vie donnée. Qu’est-ce à dire ? Pourquoi Jésus ressuscité se donne-t-il à nous, se livre-t-il à nous, sinon pour que nous soyons vraiment libres ? Il nous aime tellement qu’il veut ne faire qu’un avec nous, nous partager sa liberté et que nous ayons même pensée que lui, même cœur que lui, même amour que lui, et que nos mains soient ses mains. C’est parce que Jésus ressuscité a fait de nous des hommes libres que nous sommes ici et parce que nous espérons et désirons être encore un peu plus libres quand, à la fin de l’office, nous nous disperserons pour continuer notre route.
Quels chemins prend donc Jésus pour nous pénétrer de sa vie, s’unir à nous et nous faire participer à sa liberté ?
Le premier chemin nous est indiqué dans l’évangile que nous venons d’entendre : « Jésus, nous dit saint Luc, ouvrit leur intelligence à la compréhension des Ecritures ». Comprendre les Ecritures n’est pas une mince affaire : que de fois refermons-nous notre livre en murmurant « je n’y comprends rien ! » et la lecture des commentaires ou les homélies nous embrouillent parfois encore plus les idées… Quand nous lisons les textes de l’ancien et du nouveau testament dans notre bible, notre Magnificat, notre Prions en Eglise ou dans la feuille paroissiale, Jésus les lit avec nous. Prendre conscience de la présence réelle et discrète de Jésus est l’essentiel pour comprendre sa Parole et la savourer quand nous la lisons. En effet, il est aussi réellement présent que lorsqu’il est venu au milieu de ses disciples : « Comme ils parlaient encore de l’évènement vécu par les disciples qui rentraient d’Emmaüs, lui-même fut présent au milieu d’eux » Prendre conscience de cette douce présence de Jésus dès que nous ouvrons sa Parole ramène la paix dans notre esprit et dans notre cœur. « La paix soit avec vous » dit Jésus à ses disciples « pourquoi ces pensées qui surgissent dans votre cœur ? », toutes ces pensées qu’exégètes et théologiens remuent avec brio ne sont que des mouches bourdonnantes si elles ne nous mettent pas en communion profonde et paisible avec Jésus ressuscité.
Le second chemin par lequel Jésus se manifeste et se donne à nous est celui des sacrements, principalement la fraction du pain qui nous réunit en ce moment. S’il nous est plus familier, il n’est pas plus facile de discerner la présence du Ressuscité dans ces humbles signes et gestes.
Le troisième est la vie éternelle déjà commencée. Dans l’évangile d’aujourd’hui, Jésus nous le signifie en montrant ses mains et ses pieds. La résurrection n’est pas le rejet de la croix mais son assomption, sa glorification. Qu’est-ce à dire ? Jésus est-il davantage reconnaissable à ses blessures qu’à son visage ? La gloire et la croix sont absolument inséparables et c’est une des plus belles folies chrétiennes : toute notre vie humaine, blessures et souffrances y compris, est glorifiée dès à présent en Jésus ressuscité. C’est pourquoi saint Paul ne cesse de se glorifier de ses faiblesses. Mais plus encore, en tout homme blessé nous voyons le Christ Jésus glorifié : « ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites » nous avait déjà prévenus Jésus avant sa passion. L’amour de nos frères est bien plus qu’un devoir ou une obligation morale : c’est la bienheureuse rencontre avec notre bien-aimé Seigneur. A ce sujet, laissez-moi vous raconter une petite anecdote.
Un jour se présenta à la porte du monastère une petite vieille aveyronnaise, bien connue de la communauté. Elle était tout de noir vêtue et faisait vaillamment résonner le sol avec sa canne. Elle demande au portier de signaler sa présence au Père Abbé. Le portier lui répond : mais, mademoiselle, le Père Abbé ne reçoit pas comme cela ! Et elle de reprendre en tapant avec sa canne : « appelez le Père Abbé, c’est un ordre, j’ai rendez-vous avec lui ! » Le portier continue à la titiller et elle s’exclame : « Mais enfin, mon Père, c’est au Seigneur que vous parlez ! » et le portier de rétorquer : « Oh, pardon Seigneur, vous êtes tellement déguisé que je ne vous ai pas reconnu ! »
Souvent, trop souvent, nous ne reconnaissons pas la présence de Jésus… ouvrons enfin nos yeux, noc cœurs et nos mains !
F. Pierre