29° Dimanche du TO*B Mc 10, 42-45
« Ce que nous allons te demander, nous voudrions que tu le fasses pour nous ! » Jacques et Jean n'y vont pas par quatre chemins, c'est tout juste s'ils ne disent pas à Jésus : « nous voulons que tu le fasses ! » Cette demande déclenche aussitôt une bronca chez les autres disciples de Jésus. Ils sont tous plus ou moins pressés de voir le Royaume promis et ils rêvent aux places qui leur reviendront et ils jouent déjà des coudes ! Quant à la sainteté, c'est une autre affaire qui demandera un peu plus de temps, d'énergie et d'humilité. Mais voyons avec quelle délicatesse Jésus accueille cette demande complètement décalée et déplacée. Il ne rabroue pas les deux frères, de même qu'il ne rabroue pas ses disciples qui se querellent mais, Jésus prend appui sur leurs désirs insensés et même sur leurs défauts et il les amène doucement à regarder plus haut, à voir plus loin.
Jésus ne veut pas que nous nous contentions de grands désirs, il veut que nous ayons le plus grand désir possible, le seul désir qui comblera notre vie, notre cœur, nos attentes les plus folles, le désir de l'Amour le plus grand, le désir de Dieu, désir sans limite et sans fin. Jésus désire que nous abandonnions la folie des grandeurs pour la seule grandeur qui vaille : l'amour infini et sans mesure, au-delà de toute grandeur concevable.
« Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé ? » Le baptême de Jésus, le grand plongeon… Nous connaissons la témérité des deux frères, les fils du tonnerre. En tant que marins-pêcheurs, ils s'imaginent peut-être un plongeon dans les eaux du lac de Tibériade. En suivant Jésus après la pêche miraculeuse, ils se sont déjà jetés à l'eau. Ce plongeon dont leur parle Jésus, ne doit pas être bien différent ni plus difficile ! « Nous le pouvons » répondent-ils donc en chœur avec intrépidité. Quant à boire à la coupe du Seigneur, le souvenir de Cana leur fait peut-être illusion et ils s'imaginent peut-être aller de nouveau à la noce ! Aux noces de Jésus, ils vont y aller, et ils y boiront il le meilleur vin qui soit, vin qui va les enivrer et les mener là où ils n'auraient jamais cru devoir aller. Mais l'amour du Seigneur, quand il s'empare du cœur d'un homme, le rend ivre de Dieu comme d'un vin fou.
Et Jésus invite les deux frères à mettre de côté leur désir de récompense et de places d'honneur. Nous savons bien que l'amour vrai est gratuit et qu'il n'a pas besoin de récompense parce que l'amour vrai est à lui-même sa propre récompense. Par l'amour, nous sommes en communion profonde avec Jésus, nous ne faisons plus qu'un avec lui et donc, quand Jésus est assis à la droite du Père, nous aussi sommes avec lui à la droite du Père.
S'ensuit une petite remontée de bretelles pour les autres disciples : « celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur… » Il y a un phénomène qui m'a souvent frappé et fait sourire, c'est la propension de nombreux supérieurs, évêques et responsables ecclésiaux à parler de l'autorité comme d'un service, ce en quoi ils expriment un désir louable. Heureusement, le Seigneur finit toujours par les prendre au mot et il les accompagne avec douce fermeté là où ils ne pensaient pas aller.
Là, nous touchons du doigt la délicate miséricorde de Jésus et de son Père : ils nous font cadeau du temps de la compréhension, de la conversion et de la croissance. Ils nous laissent le temps pour transformer nos aspirations les plus grandes et les plus profondes en les dépouillant peu à peu des désirs parasites, des vanités et de l'orgueil. Ils nous apprennent à désirer le meilleur et ils nous laissent la joie de la découverte. C'est alors que nous découvrons avec émerveillement l'enfant que nous sommes devenus.
Fr. Pierre