27° Dimanche du TO*B Mc 10, 2-16
Questions bien ou mal posées !
Frères et sœurs, il est, en effet, des questions pour lesquelles nous risquons de ne jamais entendre la réponse tout simplement parce que la question est mal posée. Et cela peut se vérifier quand nous sollicitons, bien ou mal, la Parole de Dieu.
Ainsi quand nous nous interrogeons sur la Création, si nous demandons à la Bible de nous dire «comment» cela s'est passé, nous pouvons, comme ce matin, ouvrir le Livre des commencements, le livre de la Genèse.
Nous découvrons alors, dans ce livre, non pas un, mais deux récits, celui que nous avons entendu…mais aussi un autre.
Et ces deux récits ne disent pas vraiment la même chose sur le comment de la Création….
Il est alors tentant de sourire, de manière quelque peu désabusée, en refermant ostensiblement le Livre.
Mais nous serons alors passés complètement à côté de cette si belle page de la Parole de Dieu qui nous révèle, il s'agit bien de révélation ! qui nous révèle «pourquoi» il y a eu Création.
Quand il est question du «comment» de la Création, il vaut mieux interroger les scientifiques.
Ils nous disent, le plus souvent fort humblement ce qu'ils savent et ce qu'ils présupposent.
En revanche, quand il est question du «pourquoi» de cette Création, alors cela vaut la peine d'ouvrir la Bible et de s'y attarder.
Une réponse est proposée à tous.
Merveilleuse bonne nouvelle ! Pourquoi la Création ? Pourquoi Dieu est-il Créateur ?
Tout simplement parce qu'il nous aime :
«Il n'est pas bon que l'homme soit seul[1]».
La passion de Dieu, c'est le «bon»…le bon-heur de l'homme.
Dans l'acte créateur, notre Dieu se manifeste non préoccupé de lui-même, mais de nous.
Frères et sœurs, Dieu, aujourd'hui comme hier, est créateur d'un homme, d'une femme qu'il aime, d'un homme, d'une femme qu'il veut de plus en plus libre, de mieux en mieux «partenaire-libre» de son projet d'amour. Oui, partenaire !
Ainsi, dans la Bible, c'est à l'homme qu'est confiée la responsabilité de nommer toute chose, de nommer tout être vivant.
Or, «donner un nom», n'est-ce pas une des manières d'être de Dieu ? N'est-ce pas une de ses prérogatives, puisque «donner un nom», c'est faire exister en reconnaissant l'autre…et voici que cette «manière d'être» divine, Dieu la confie à l'homme…
Questions bien ou mal posées !
Il y a aussi la Lettre aux Hébreux dans la deuxième lecture qui aborde la question fort difficile de la souffrance.
Nous pouvons alors demander avec tant de nos contemporains : «Mais pourquoi donc Dieu a-t-il créé la souffrance ?
Tout-puissant qu'il est, pourquoi ne pas avoir fait un monde sans souffrance ? » et nous avons entendu :
«Celui pour qui et par qui tout existe voulait conduire une multitude de fils jusqu'à la gloire ; c'est pourquoi il convenait qu'il mène à sa perfection, par des souffrances, Celui qui est à l'origine de leur salut.[2]»
Nous sommes alors, ici, dans la suite du mouvement de Création que nous venons d'évoquer avec la Genèse.
Dieu crée parce qu'il aime.
Tous les amoureux nous le diront : quand on aime, on accepte de courir le risque de la souffrance.
Les couples le savent bien.
Les parents le savent souvent mieux encore que d'autres, eux qui souffrent tant des maladies, ou des bêtises de leurs enfants.
Quand nous aimons, nous courrons toujours le risque de la souffrance !
Frères et sœurs, c'est l'amour qui sauve. Dieu est amour.
Voilà pourquoi Dieu n'a pas voulu faire l'économie de la souffrance.
Mystère si profond et si simple de la Croix, de la vie donnée ! Notre Dieu est Dieu donné, Dieu livré.
Nous voici alors de plain-pied pour «accueillir» la question «mal posée» des pharisiens dans l'Evangile selon saint Marc : «Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? [3]»
Le permis et le défendu sont souvent des questions d'hommes immatures ou d'hommes durs :
«C'est en raison de la dureté de vos cœurs que Moïse a formulé pour vous cette règle.»[4]
Et Jésus d'inviter ses interlocuteurs, y compris nous autres aujourd'hui, à épouser son projet d'amour.
De nouveau c'est le rappel de la Création !
Dieu, en Jésus, nous propose de nous humaniser en adoptant son attention divine, en épousant sa manière d'être, toute tournée vers l'autre…Et de nous présenter la confiance des enfants qui se tournent naturellement vers l'autre…comme lui, Dieu est tourné vers l'homme dans le mouvement de Création.
Dieu est tourné vers l'autre, et il nous appelle à aimer comme lui…pour notre bonheur !
«Il n'est pas bon que l'homme soit seul…Je vais lui faire une aide qui lui correspondra.»[5]
Frères et sœurs, humaniser nos vies, n'est-ce pas imiter Dieu en nous tournant résolument vers l'autre, en nous passionnant pour le bonheur des autres !
Amen.
Fr. Benoît-Marie
[1] Gn 2, 18.
[2] He 2, 10.
[3] Mc 10, 2.
[4] Mc 10, 5.
[5] Gn 2, 18.