22° Dimanche du TO*B Mc 7, 1-8.14-15.21-23

« Mains impures », « voilà ce qui rend l'homme impur », « tout ce mal vient du dedans, et rend l'homme impur ». La question de la pureté, impureté est trop flagrante dans l'évangile de ce dimanche pour la laisser sous silence aujourd'hui me semble-t-il. Là où le français ajoute un préfixe privatif pour faire la distinction entre pur et impur, l'hébreu emploit deux mots différents pour distinguer le pur et l'impur.

Le premier se dit tahor, c'est-à-dire ce qui est pur, intact, à sa place, le second se dit tamé, c'est-à-dire ce qui est impur, mélangé, en désordre. Et le rabbin Philippe Haddad, lors d'une rencontre judéo-chrétienne de dire que tahor renvoit à ce qui laisse passer la lumière, à une transparence à la lumière reçue de Dieu et que tamé, au contraire, renvoit à l'opacité, à la fermeture.

En outre, dans le judaïsme, la frontière entre le pur et l'impur reste importante car la pureté cultuelle conditionne l'accès à Dieu, là où l'impureté l'exclue comme le légifère le livre du Lévitique.

Ainsi, il y a des règles à respecter pour conserver la pureté.  Pour la nourriture, certains plats, viandes, poissons sont interdits, dans les déplacements certains lieux doivent être évitées, dans la société certaines catégories de personnes sont infréquentables, au quotidien certains objets ne doivent pas être touchés sous peine de devenir soi-même impur car l'impureté est contagieuse. Et en cas de contamination par l'impureté, il faut alors appliquer certaines prescriptions rituelles pour retrouver la pureté.

Or, Jésus, par ce qu'il est, par ce qu'il enseigne, par sa conduite et ses œuvres vient bouleverser ce rapport entre le pur et l'impur. Par sa fréquentation des exclus, des publicains, des impurs, Jésus montre non seulement que l'impureté extérieure ne peut contaminer qui que se soit, mais surtout que sa pureté  - il est le Fils de Dieu, le Verbe fait chair- est telle que c'est elle qui devient contagieuse et permet aux impurs de devenir purs et que sa pureté ne serait être circonscrite face à l'extérieur et qu'aucun contact extérieur du domaine de l'impur ne saurait la souiller. Ce qu'un exégète nommera « la pureté offensive .»

Ainsi que le montrera Jésus de la femme aux pertes de sang guérie, des lépreux purifiés, de la pécheresse pardonnée et de tous les exclus pour motif d'impureté qui l'auront approché. Tous, au contraire, seront en fait sanctifiés d'avoir été touchés par le Saint de Dieu et d'avoir été contaminés par sa pureté. Attention, Jésus n'abolit pas les lois rituelles et cultuelles du pur et de l'impur, qu'il demande par ailleurs de respecter, mais il affirme et montre que l'impureté extérieure n'a pas le pouvoir de souiller.

En revanche, il situe l'impureté à un niveau éthique et qualitatif, dans ce qui jaillit du cœur de l'homme lorsqu'il se soumet à ses penchants mauvais. En effet, il est des conduites qui défont l'homme, blessent sa dignité voire la souillent et peuvent le diminuer dangereusement dans son humanité : « inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidité, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil, et démesure » nous dit Jésus.  « Tout ce mal vient du dedans, et rend l'homme impur .» Autant de conduites qui brisent la fraternité, sapent la confiance et empoisonnent le cœur de l'homme.

Ainsi, pour en revenir à la terminologie hébraïque, s'il est des cœurs tahor, des cœurs purs qui se laissent traverser par la lumière de Dieu, éclairés de sa grâce, ce n'est pas pour êtres préservés et gardés des cœurs tamé , des cœurs impurs et opaques à la lumière divine. Mais, c'est pour qu'au contraire, au contact du rayon de cette lumière de ces cœurs purs, les cœurs impurs puissent être frappés de ce rayon et que la brisure opérée en eux par cette lumière les gagne à s'y ouvrir et à changer jusqu'à devenir eux-mêmes alors assez purs et transparents à la lumière divine et diffuser à leur tour cette lumière. Il est des gestes, des paroles, des regards, des conduites, des œuvres de cœurs éclairés de la lumière de Dieu qui mettent en route des cœurs opaques vers cette lumière et qui jusqu'alors était enfermés dans des ténèbres. Et il n'est pas non plus de cœur pur qui n'est jamais connu l'impureté et n'ait eu un jour besoin d'être éclairé de Dieu par un cœur transparent à sa lumière.

Frères et sœurs, lors de la nuit de la veillée pascale, un feu est allumé pour symboliser la victoire de la lumière sur les ténèbres, la résurrection du Christ. À ce feu est allumé le grand cierge pascal et à partir de ce cierge, les fidèles les plus proches y allument leur cierge et transmettent leur flamme de proche en proche jusqu'à ce que la clarté de cette multitude de petites flammes l'emporte sur les ténèbres de la nuit. Aussi, que notre petite flamme fragile et vacillante fasse de la lumière pour les cœurs enfermés dans les ténèbres et leur montre un chemin possible d'espérance et de vie et qu'elle nous garde tout autant de ces ténèbres.

Fr. Nathanaël