2° dimanche du TO (B) Jn 1, 35-42
Frères et sœurs, c’est le moment pour nous de quitter le temps de l’Avent et de Noël (ce temps où Jean le Baptiste nous a accompagnés), et d’entrer dans le temps ordinaire, le temps du Royaume qui vient. Le Précurseur nous y invite, et il tourne notre regard vers Jésus : Voici l’Agneau de Dieu !
Pour la lecture publique, la traduction liturgique nous introduit le texte de cette manière : En ce temps-là… Jean le Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples. En effet, nous n’avons pas lu les versets précédents, et c’est pour cette raison que la lecture commence par ces mots. Mais dans nos bibles, il est écrit : Le lendemain, Jean se trouvait de nouveau au même endroit avec deux de ses disciples. « De nouveau au même endroit »… Cela veut dire qu’à partir du quotidien, du banal, de la routine du « temps ordinaire » peut surgir quelque chose de nouveau et d’inattendu ! La nouveauté, c’est Jésus lui-même, qui a été baptisé par Jean, et qui rencontre ses premiers disciples. A la différence des autres évangiles, qu’on appelle « synoptiques » (Matthieu, Marc et Luc), ce n’est pas Jésus qui appelle les disciples, mais c’est Jean Baptiste qui les envoie vers Jésus, et ils se mettent à le suivre.
Quand nous avons l’impression que rien ne se passe, que tout est ennuyeux, que la messe est toujours pareille (heureusement les lectures changent un peu, et le prédicateur aussi), bref, on peut se demander si justement il n’y a pas quelque chose qui va arriver, qui va surgir de cette apparente banalité. Il nous faut être aux aguets, prêter l’oreille à ce que le Seigneur veut nous dire, comme le fait le petit Samuel qui répond : Parle, Seigneur, ton serviteur écoute. Dieu appelle ses enfants, et il le fait toujours d’une manière différente et nouvelle. Certaines fois, nous ne comprenons pas que c’est lui qui nous appelle. Nous entendons une voix intérieure, et nous ne savons pas d’où elle vient. Il faut que des personnes de notre entourage - comme le prêtre Eli pour Samuel - nous aident à discerner, et à répondre à cette voix qui parle en nous.
Quand Dieu appelle, il se révèle à nous. Et il le fait par des médiations humaines. Dans le passage d’évangile que nous avons entendu, on voit que c’est Jean qui représente cette médiation vers Jésus. Le Baptiste s’efface devant le Christ, celui qu’il désigne comme l’Agneau de Dieu. Jean ne veut pas attirer à lui. Il n’est que la lampe, et il oriente le regard de ses disciples vers celui qui est la vraie Lumière conduisant au salut. Ce que fait le Baptiste, nous devrions aussi le faire quand nous accompagnons quelqu’un sur le chemin de l’évangile. Il nous faut sans cesse renvoyer vers le Christ, accepter de perdre, de diminuer, pour que l’autre grandisse.
Les disciples de Jean se mettent à suivre Jésus. Mais celui-ci est pour l’instant un inconnu. Ils obéissent à leur ancien maître en lui faisant entièrement confiance sur l’identité du nouveau. Qui est celui-ci ? Ils n’en savent rien, hormis le fait que c’est l’Agneau de Dieu. Et cela leur suffit. Car, contrairement à nous aujourd’hui, cette appellation est parlante pour les Juifs de l’époque. Dans le livre d’Isaïe, « l’agneau de Dieu » désigne à la fois l’animal immolé pour la Pâque et le serviteur souffrant. Dans l’Apocalypse, livre de la Révélation par excellence, l’Agneau royal est vainqueur ; il triomphe de la mort et du péché, et il lutte – tel un bélier - pour le reste du troupeau. Il ne faut donc pas y voir une douce image d’un animal inoffensif, mais plutôt quelque chose qui relève du sacrifice et du combat. Si les disciples de Jean se mettent à suivre Jésus, c’est parce qu’ils reconnaissent en lui celui qui vient les libérer de l’oppression, et les ouvrir à une vie nouvelle. Tout est « révélé » à présent pour eux.
En retour, le Christ leur pose une interrogation qui est sa toute première parole : « Que cherchez-vous ? ». Ce sera aussi une des dernières, adressée à Marie-Madeleine à la fin de l’évangile, quand il sera ressuscité. Il ne s’agit pas d’une affirmation, mais d’une question ouverte. La réponse des disciples prendra le même chemin, celui d’une autre question : « Rabbi, où demeures-tu ? ». Venez, et vous verrez. Non seulement Jésus ne les a pas appelés, mais il leur laisse toute l’initiative. Voilà qui peut nous rassurer ! Le Christ est aussi détaché que Jean. Il respecte notre liberté et nous fait grandir. Il n’enferme pas, mais il ouvre, toujours, vers le Royaume qui vient... La suite du récit nous dit que les disciples se passent le mot. André en parle à son frère Simon, et celui-ci reçoit le nom de Képhas (« Pierre »), de la part de Jésus. Décidément, c’est vraiment un commencement, une nouveauté pour tout le monde !
Comme Eli pour Samuel, comme Jean pour les disciples, soyons les uns pour les autres des témoins, des relais, des médiations qui conduisent au Christ. Dieu nous appelle à la liberté et à la responsabilité. Jésus répond à notre désir, à notre recherche : Venez, et vous verrez ! Suivons le sentier que Dieu nous trace en son Fils, qui est un chemin de liberté et de bonheur. Demeurons auprès de lui, car il veut nous nourrir de son Corps et de son Sang, pour que nous ayons la vie. Amen.
Fr. Columba