2° Dimanche de l'Avent (C) Lc 3, 1-6
« Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; et tout être vivant verra le salut du Dieu. »
Cet oracle d'Isaïe retentit comme un appel dont Jean est un écho renouvelé. Jean proclame un baptême de conversion. Pour la tradition juive, la conversion est la téchouva où la racine chouv qui signifie revenir induit un retour à Dieu.
Ainsi, lorsque Jean, fils de Zacharie, proclame un baptême de conversion pour le pardon des péchés, il invite à un mouvement de l'être, à un retournement du cœur vers la face de Celui qui est. Le rabbin Maïmonide, au moyen-âge, décrit cette dynamique de conversion par rapport à un temps passé, présent et futur.
Ce que j'en comprends, c'est que le temps passé est celui de scruter sa mémoire pour y discerner dans la vie écoulée peut-être des manquements à la fraternité, des blessures infligées à la communion fraternelle où la faute horizontale offense le Très-Haut dans la transcendance de son Amour.
Puis, vient le temps présent de reconnaître sa faute, de la confesser, de faire entendre à nos oreilles la parole de notre bouche pour ne plus coller à cette faute. Il s'agit de s'arracher à la faute en la mettant devant Dieu qui pardonne et devant soi qui avoue en faisant la vérité. Par cette reconnaissance de son égarement, s'ouvre enfin un futur possible, un avenir renouvelé par la miséricorde de Dieu et par une réparation pour rendre ce qui a été volé, pour rétablir autant que possible la dignité qui a été meurtrie, la justice qui a été bafouée, pour guérir le cœur qui a été blessé. C'est le chemin de la réconciliation avec soi-même, avec ses sœurs et frères en humanité, avec Dieu.
Ainsi, à travers le temps, le baptême de conversion est un retour d'exil, un retour vers le pays de Dieu où nous y plongeons à nouveau nos racines pour devenir un nouvel arbre. Nous avançons de retour en retour. Nous marchons de relèvement en relèvement. Comme l'écrira Antoine de Saint-Exupéry : « ce qui sauve, c'est de faire un pas. Encore un pas. C'est toujours le même pas que l'on recommence. »
Notre conversion est le chemin d'un retour en grâce possible parce que Dieu y reste présent en dépit de notre éloignement de lui. Même dans notre exil loin de sa face, le Seigneur reste fidèle et présent. En Égypte et en Babylonie, dans l'exil d'Israël, le Seigneur est présent à son peuple. Et comme le rappelle, le Deutéronome, le Seigneur reviendra avec ceux qui reviennent. « Jérusalem… Tu les avais vus partir à pieds, emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramène, portés en triomphe, comme sur un trône royal. » nous disait aussi Baruch en première lecture.
Si le converti garde les meurtrissures de sa chute et de son regret, son relèvement et sa constance au repentir le garde plus encore en mouvement vers la vie divine par le pardon du Seigneur. Et ses cicatrices d'une vie défaite sont comme les traces d'un lointain souvenir perdu dans les brumes.
Sœurs et frères, le juste n'est juste que par la grâce de Dieu et ne s'y maintient que par un don de cette même grâce. Et son mérite est de résister aux tentations comme Joseph résistera à Putiphar, la femme de Pharaon. Le converti n'est converti que par la grâce de Dieu qui fait alors de lui un nouveau juste. Et son mérite est de reconnaître sa faute pour mieux désormais se refuser à toute rechute comme Judas reconnaîtra sa faute avec Tamar.
La conversion pour le pardon des péchés est un acte de naissance dans le cœur de Dieu. Car elle ouvre à une vie nouvelle, elle est l'ouverture des yeux et des oreilles sur des réalités demeurées invisibles jusque-là avec les pleurs et les cris qui l'accompagnent. Voilà pourquoi, il y a plus de joie en Dieu pour un seul pécheur qui se convertit que pour un seul juste qui n'a pas besoin de conversion. Un pécheur qui se convertit, et c'est l'espérance qui fleurit pour tous au cœur de notre monde.
Aussi, qu'en ce temps de l'Avent, sœurs et frères, notre désir profond et véritable soit de naître dans le cœur et à la vie de Dieu comme lui a le désir de naître dans notre cœur et à la vie des hommes. Amen.
F. Nathanaël